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— témoin les travaux récens de Saint-Marc à Venise et de Saint-Paulhors-les-Murs, près de Rome, — la peinture sur faïence serait appelée à rendre de grands services.

J’arrive à la sculpture. — La Jeanne d’Arc de M. Rude est un ouvrage digne d’étude. Il y a dans cette statue une sérieuse inspiration ; la tête est vraiment héroïque. Depuis le Pécheur napolitain, du même auteur, si justement admiré, je n’ai rien vu de lui qui méritât une analyse aussi attentive. Je pense pourtant que M. Rude a eu tort de nous montrer la partie supérieure du corps avec tant de précision. Je ne connais pas de document écrit ou dessiné qui nous présente sous cet aspect l’héroïne de Vaucouleurs. M. Pradier, qui, dans la représentation de la forme nue, nous a montré depuis vingt ans tant de souplesse et d’habileté, n’obtiendra pas cette année le même succès que les années précédentes. La statue de Sapho sera, pour ses amis mêmes, une véritable énigme. Si le livret ne prenait la peine de baptiser cette figure, il serait impossible de deviner son nom. Une femme assise, qui joint les mains sur son genou, ne sera jamais pour personne un cœur exalté par l’enthousiasme ou égaré par l’amour. J’ajouterai que la tête, dépourvue de caractère, ne rappelle ni les fragmens précieux que nous possédons, et que Boileau a si infidèlement traduits, ni l’élégie passionnée qu’Ovide a signée du nom de Sapho. Il y a certainement beaucoup de savoir dans l’exécution de cet ouvrage ; mais le savoir ne suffit pas à dissimuler l’absence de la pensée. M. Pradier fera bien de revenir au plus tôt à ses sujets de prédilection : il comprend la grace, la volupté ; il ne comprend pas la méditation, et, toutes les fois qu’il essaiera de l’exprimer, il ne peut manquer d’échouer. La Ville de Paris implorant Dieu pour les victimes du choléra ne serait pas dépourvue de mérite, si l’emphase y tenait moins de place. M. Étex connaît presque tous les secrets de son art ; malheureusement il n’a pas le goût de la simplicité, et le désir de produire de l’effet gâte souvent ses idées les plus vraies. Je ne m’explique pas comment, après un séjour de plusieurs années en Italie, il n’est pas arrivé à rendre plus naïvement ce qu’il conçoit. Le buste du président de la république, de M. Auguste Barre, est à coup sûr un des meilleurs ouvrages qui soient sortis de son ciseau ; il y a de la souplesse dans les chairs, de la vivacité dans le regard. Il y a vingt ans, je saluais avec sympathie les débuts heureux, de l’auteur, et je me réjouis de voir qu’il a tenu toutes ses promesses. M. Loison nous a donné un charmant médaillon de femme. Tous les détails de ce portrait sont traités avec un soin studieux : les lèvres, les yeux et les cheveux sont rendus avec un rare bonheur. La figure d’Héra, que nous avons vue l’année dernière, nous avait appris tout ce qu’il y a de grace et de jeunesse dans le talent de M. Loison ; le médaillon de cette année confirme victorieusement les espérances que