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paraît mériter les plus sincères éloges : c’est le plus petit des trois, celui dont le premier plan est occupé par un marais. Le plus grand a le défaut très grave d’être moucheté et de ne pas présenter des formes suffisamment déterminées ; quant à celui dont je parle, il est d’une précision exquise. Je pense pourtant que M. Jules Dupré, comme M. Théodore Rousseau, a dépassé plus d’une fois les limites de la précision. Le mieux est quelquefois l’ennemi du bien : MM. Jules Dupré et Théodore Rousseau suffiraient à le démontrer. M. Gérôme a copié habilement le temple de Neptune de Paestum, et, pour donner au paysage quelque chose de vivant, il a placé devant les colonnes de ce temple un attelage de buffles. Je regrette seulement que le ciel n’ait pas plus de chaleur. M. Nazon, homme nouveau, dont le nom n’est pas encore connu de la foule, nous a montré un véritable talent de paysagiste. Le tableau qu’il a baptisé du nom beaucoup trop vague de Maisons nous reporte aux compositions de Van Ostade ; il est fâcheux que l’auteur, si habile dans l’expression des détails, n’ait pas traité avec assez de soin la perspective aérienne. Un talent aussi gracieux mérite d’être encouragé, et j’ai plaisir à le louer.

M. Corot nous a donné deux paysages pleins de grandeur et de poésie. Je ne m’arrête pas à discuter la précision des détails : il serait facile sans doute de relever dans les terrains ou le feuillage des négligences d’exécution ; ce qui me charme, ce que je veux signaler, c’est la spontanéité de la composition. Le Repos et le Soleil couchant reportent la pensée vers les églogues de Virgile, vers les idylles de Théocrite. Il y a dans ces deux petits poèmes un calme, une sérénité que je ne saurais trop louer. Depuis son Berger jouant de la flûte, M. Corot n’avait rien conçu d’aussi charmant que le Repos et le Soleil couchant. L’intérieur d’une forêt, de M. Français, nous offre des arbres très finement étudiés ; il y a de l’air, de la profondeur, dans l’allée qui s’ouvre devant nous. Envisagé comme reproduction littérale de la nature, ce tableau mérite de grands éloges ; comme exécution, il est supérieur aux deux toiles de M. Corot, mais le sentiment poétique est complètement absent. J’ai retrouvé avec plaisir, dans une Vue de Subiaco, par M. Flachéron, les grandes lignes de la campagne romaine ; la couleur n’a pas tout l’éclat qu’elle devrait avoir, mais tous ceux qui ont vécu en Italie rendront justice à la fidélité du dessin. M. Desgoffe, dans Jésus guérissant les aveugles de Jéricho, a mis à contribution Nicolas Poussin, et je ne songerais pas à lui reprocher d’avoir consulté ce maître illustre, si à côté de figures que nous connaissons depuis long temps il n’eût placé des figures étranges dont les mouvemens ne peuvent s’expliquer. Le fond du paysage est heureusement copié sur le maître. Quant à l’aveugle qui s’agenouille à gauche du spectateur,