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Cette question ne peut être décidée qu’au dépôt de la guerre. Les officiers qui ont sous les yeux le plan de la ville, le plan des fortifications et le plan des campagnes adjacentes, peuvent louer tout à leur aise la précision des notes fournies à M. Vernet et l’adresse avec laquelle il en a fait usage : je ne veux pas, je ne peux pas engager la discussion sur ce terrain. Le point important dans la composition d’un tableau n’est pas de plaire à l’état-major, mais de plaire aux peintres et au public ; or le Siége de Rome de M. Vernet viole toutes les lois fondamentales de la peinture. Où est l’unité ? où est le centre de la composition ? sur quel point l’attention doit-elle se concentrer ? Bien habile serait celui qui le devinerait. Toutes les parties de cette toile, qui peut se comparer, pour l’étendue du moins, avec les Noces de Cana, offrent le même intérêt, c’est-à-dire excitent la même indifférence. Je ne conteste pas l’exactitude des uniformes, je ne conteste pas le pointage des pièces ; ce sont là des problèmes qui doivent s’agiter, se résoudre à Metz ou à Vincennes, et que je n’ai pas mission de poser. Ce que je puis affirmer, c’est qu’il n’y a pas dans cette toile immense les premiers élémens d’un tableau. Que les élèves de l’École polytechnique ou de l’École d’application reconnaissent avec joie dans l’œuvre de M. Vernet la première et la seconde parallèle, qu’ils signalent avec empressement le chemin couvert et les travaux d’approche, c’est une joie que je conçois sans peine. Et pourtant, dussent tous les élèves du général Haxo me traiter d’esprit obtus, je persiste à croire que le tableau de M. Vernet, excellent sans doute pour les officiers, est absolument nul pour les peintres et le public. Je sais que mon opinion trouvera des contradicteurs, surtout parmi les disciples du réalisme : toutefois ces contradicteurs n’ébranlent pas ma conviction. Depuis la belle mosaïque de Pompeï qui représente la bataille d’Arbelles, comme l’a victorieusement démontré M. Fabbricatori, jusqu’aux batailles de Salvator Rosa et de Gros, il n’y a pas une œuvre de ce genre qui ait méconnu impunément la loi de l’unité, et je défie les plus habiles de m’indiquer le centre de la composition conçue par M. Vernet. Si cette toile était partagée comme une vieille tapisserie dont on fait des portières, j’ai lieu de penser que tous les lambeaux seraient contemplés avec la même attention. Il n’y a pas un de ces lambeaux qui, soumis à l’analyse, n’offre les mêmes qualités et ne choque par les mêmes défauts. Or, je le demande à tous les hommes de bonne foi qui connaissent les couvres capitales de la peinture, y a-t-il parmi ces œuvres quelque chose qui ressemble au Siège de Rome ? Qu’on me cite une seule composition dont toutes les parties offrent le même intérêt. Dans toute œuvre sérieusement conçue, il y a nécessairement une partie principale et des parties.accessoires ; dans le tableau de M. Vernet, je ne trouve rien de pareil : ni partie principale ni parties accessoires. De telles données sont bonnes