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rapprochement de divers passages de Mme de Sévigné, de Mme de Motteville, de Mademoiselle. Les carmélites françaises n’ont pas d’histoire. Fidèles à leur vœu d’obscurité, ces dignes filles de sainte Thérèse ont passé sans laisser de traces. Comme pendant leur vie une clôture in flexible les dérobe à tous les yeux et les tient d’avance ensevelies, ainsi le génie de leur ordre semble avoir pris soin de les anéantir dans la mémoire des hommes. À peine a-t-il paru de loin en loin quelques vies de carmélites, consacrées à l’édification, remplies de saintes maximes, vides de faits humains, et presque sans dates. Au commencement de ce siècle, un prêtre instruit, M. Boucher, dans une nouvelle Vie de la bienheureuse sœur Marie de l’Incarnation, madame Acarie, fondatrice des Carmélites réformées de France[1], a pour la première fois jeté un peu de jour sur les origines de la sainte maison, et fait paraître ou plutôt caché dans les notes de son ouvrage de très courtes biographies des principales religieuses. La Bibliothèque nationale, si riche en manuscrits de toute espèce, n’en possède aucun qui vienne des Carmélites du faubourg Saint-Jacques ou qui s’y rapporte. Les Archives ont hérité de tous leurs titres domaniaux. Nous les avons assez étudiés pour avoir le droit d’assurer qu’on en pourrait former un cartulaire[2] du plus grand intérêt. Entre autres pièces précieuses, nous pouvons signaler un inventaire des tableaux de divers maîtres célèbres[3], des statues[4] et objets d’art que la libre et généreuse piété des fidèles de tout rang avait, pendant deux siècles, accumulés aux Carmélites, et qui y ont été reconnus en 1790. Mais c’étaient d’autres trésors que nous eussions voulu découvrir : nous désirions une liste exacte de toutes les religieuses de ce couvent pendant le XVIIe siècle, avec leurs noms de religion et leurs noms de famille, la date de leur profession et celle de leur mort ; nous mettions un prix particulier à connaître la succession des prieures qui avaient tour à tour gouverné le couvent, porté la parole ou tenu la plume en son nom. On conçoit, en effet, que sans ces deux documens les amitiés de

  1. Paris, 1800, in-80.
  2. On s’empresse de toutes parts à recueillir les cartulaires des vieilles abbayes : pourquoi un ami de la religion et des lettres ne s’occuperait-il pas de combler une des lacunes les plus regrettables de la Gallia christiana, en rassemblant, sous le nom de cartulaire du couvent des carmélites du faubourg Saint-Jacques, une foule de pièces que nous avons tenues entre les mains, et qui établiraient sur des monumens authentiques l’histoire de cette intéressante congrégation depuis les premières années du XVIIe siècle jusqu’à la révolution française ? Tout ce que nous avons amassé de notes, d’extraits, de copies, appartient à celui qui entreprendra d’enrichir d’un nouveau volume de ce genre la Collection des documens inédits relatifs à l’histoire de France.
  3. Par exemple de Guide, de Champagne, de Lebrun.
  4. Entre autres une statue en pied du cardinal de Bérulle de la main de Jacques Sarrazin. Ce bel ouvrage se voit encore aujourd’hui dans la chapelle des Carmélites.