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modèle et leur tribunal, élevait la Sorbonne. Bérulle instituait l’Oratoire, César de Bus la Doctrine chrétienne. Les jésuites, nés au milieu du XVIe siècle, et qui s’étaient si promptement répandus en France, un moment décriés et même bannis pour leur participation à de coupables excès, reprenaient peu à peu faveur sous la protection des immenses services que leur héroïque habileté rendait chaque jour au-delà de l’Océan au christianisme et à la civilisation. L’ordre de Saint-Benoît se retrempait dans une réforme salutaire, et les bénédictins de Saint-Maur préludaient à leurs gigantesques travaux. Mais qui pourrait compter les belles institutions destinées aux femmes que fit éclore de toutes parts la passion chrétienne dans la première moitié du XVIIe siècle ? Les deux plus illustres, après Port-Royal réformé, sont les sœurs de la Charité vers 1610, et les Carmélites en 1602.

Le premier couvent des Carmélites fut établi à Paris, au faubourg Saint-Jacques, sous les auspices et par la munificence de cette maison de Longueville où Mlle de Bourbon devait entrer. Sa mère, Mme la Princesse, était une des bienfaitrices de l’institution naissante ; elle y avait un appartement où souvent elle venait faire de longues retraites. De bonne heure, elle y mena sa fille et y pénétra sa jeune ame des principes et des habitudes de la dévotion du temps. Mlle de Bourbon grandit à l’ombre du saint monastère ; elle y vit régner la vertu, la bonté, la concorde, la paix, le silence ; on l’y aimait, et on l’y appelait. Il est donc naturel qu’à la première vue des tempêtes qui menacent toutes les grandeurs de la terre, et qui frappaient les membres les plus illustres de sa famille, elle ait songé à prévenir sa destinée et cherché un abri sous l’humble et tranquille toit de ses chères carmélites. Elle y avait de douces et nobles amitiés qu’elle n’abandonna jamais. Nous possédons d’elle une foule de lettres adressées à des carmélites du couvent de la rue Saint-Jacques, à toutes les époques de sa vie, avant, pendant et après la Fronde ; elles sont écrites, on le sent, à des personnes qui ont toute sa confiance et toute son ame, mais on ignore quelles sont ces personnes. Elle les appelle tantôt la mère prieure, tantôt la mère sous-prieure, la sœur Marthe, la sœur Anne-Marie, la mère Marie-Madeleine, la mère Agnès, etc. On voudrait percer les voiles qui couvrent les noms de famille de toutes ces religieuses. On se doute bien que les amies de Mlle de Bourbon et de Mme de Longueville ne peuvent avoir été des créatures vulgaires ; et comme on sait que bien des femmes de la première qualité et du plus noble cœur trouvèrent un refuge aux Carmélites, comme le nom de la sœur Louise de la Miséricorde est devenu le nom populaire de l’amour désintéressé et malheureux, une curiosité un peu profane, mais bien naturelle, nous porte à rechercher quelles ont été dans le monde ces religieuses si chères à la sœur du grand Condé.

Jusqu’ici nous étions réduits aux conjectures que nous suggérait le