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remonter trop loin les hostilités de la Bibliothèque de l’École des chartes contre M. Libri. Par contre, vous vous trompez ou bien vous équivoquez, en disant que ce journal n’annonça le rapport de M. Boucly qu’après son insertion au Moniteur. L’auteur de l’article relatif à M. Libri savait probablement, avant le 19 mars, l’existence de ce rapport. En effet, comment supposer qu’il se fût exprimé en ces termes après la publication de cette pièce : « Nous savons qu’une pièce importante a été trouvée au ministère des affaires étrangères, etc. » Je crois, sur votre affirmation, que la Bibliothèque de l’École des chartes a été publiée après le Moniteur, mais il m’est difficile de croire que l’article en question n’ait pas été écrit auparavant.

J’ai signalé dans l’acte d’accusation des erreurs que vous expliquez par des omissions de mots ou des fautes de typographie ; soit. Je pensais que cette pièce, plusieurs fois réimprimée sans changemens, était conforme à un original authentique. Je ne ferai pas difficulté d’admettre vos rectifications de dates ; seulement, il me semble que vous allez un peu loin dans le système des interprétations. Par exemple, vous dites que pour le Salluste de Montpellier il faut lire la date de 1509 au lieu de 1519, et vous ajoutez, avec beaucoup de raison, que le titre de cette édition aldine de 1509, qui doit être De Conjuratione, etc., se trouve inscrit par erreur sur le catalogue C. Saltustii Crispi conjuratio. Mais pourquoi décidez-vous que l’auteur du catalogue, qui nécessairement a commis une méprise, s’est trompé sur le titre, et qu’il a eu raison pour la date ? Il y a des Salluste avec les deux titres : Conjuratio, et De Conjuratione. Quant à moi, je ne pense pas qu’un tribunal admette votre hypothèse, je ne dis pas comme une preuve, mais comme une présomption.

La date du Bembo me semble pourtant mieux établie : par votre témoignage de visu, par le catalogue du docteur Gratiano et par celui de M. Libri. Quant à la différence dans le titre que vous signalez pour démontrer que l’exemplaire saisi ne peut être celui du docteur, elle serait sans doute considérable s’il y avait eu deux éditions dans la même année, ce que je ne crois pas. Au reste, si ce volume, qui est au greffe, n’a pas été lavé, ce point sera résolu dans un examen contradictoire.

Que le Boiardo n’ait jamais composé le Rinaldo appassionato, j’en suis convaincu, d’après votre témoignage, et je n’ai pas besoin de vous dire que je n’ai pas lu le poème de Baldovinetti. J’avoue mon erreur, qui paraît avoir été partagée par les rédacteurs des cartes et des deux catalogues de la Mazarine. Maintenant, conclure du titre rayé dans le catalogue alphabétique que c’est une manière de renvoi à l’autre catalogue, c’est, à mon avis, une interprétation purement gratuite. Trouve-t-on d’autres exemples de ce mode singulier de renvoi ? — L’explication naturelle qui se présente, c’est qu’à une époque ancienne (l’encre le prouve) un conservateur reconnut que le livre manquait et l’effaça. J’ignore pourquoi il laissa le chiffre ; mais que signifiait ce chiffre, une fois le titre effacé ?

Pour moi, messieurs, s’il me fallait chercher des preuves de l’influence exercée sur votre discernement par les préventions anciennes que vous avez sans doute involontairement apportées contre M. Libri, je me bornerais à citer la lettre que vous me faites l’honneur de m’adresser. Vous raisonnez à merveille pour relever mes erreurs bibliographiques ; mais, quand il s’agit d’inculper M. Libri, vous vous jetez dans les suppositions les plus hasardées. Sur une