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que, depuis sa fuite, son appartement, confié à la garde de son domestique, n’a plus été accessible qu’à ses amis jusqu’au 22 mars, jour où la justice, avant toute nomination d’experts, s’y transportait elle-même pour n’y plus trouver que les gros meubles et constater l’enlèvement de ce qui les avait garnis ? Ces indignes récriminations doivent se taire devant la justice. Elles serviraient mal la cause réduite à de si tristes expédiens. D’ailleurs les faits ne s’écroulent pas sous la violence des invectives ; quoi qu’on fasse, il faut bien compter avec eux. »

Vous vous êtes encore, monsieur, servi d’argumens qu’il aurait fallu laisser à M. Libri. Tels sont ceux qui reposent sur des inexactitudes commises dans la transcription des titres d’imprimés ou de manuscrits, et sur les fautes d’impression qui se sont glissées dans le texte de l’acte d’accusation publié au Moniteur. Mais, sérieusement, est-ce que le jour où les débats se seraient ouverts devant la cour d’assises, ces inexactitudes n’auraient pas été rectifiées immédiatement par la production des pièces elles-mêmes ? — Voici quelques exemples.

Vous dites, page 321 : « A Grenoble, M. Libri aurait volé dans un recueil Stramboti… da Sasso Modonese (sic), Milan, 1551, et la preuve, c’est qu’il en a vendu une édition de 1511, comme le témoigne son catalogue. » - Quel est le point qu’il faut éclaircir ? Il s’agit uniquement de savoir si la bibliothèque de Grenoble a possédé réellement un ouvrage intitulé Stramboti, etc., portant la date de 1511. Or le catalogue de cette bibliothèque a été imprimé[1]. Veuillez prendre la peine d’ouvrir le tome 11, à la page 104 ; vous y lirez : « N° 16616., Strarnbotti (sic) da Sasso Modonese (sic), in Milano, 1511, in-4o[2]. » C’est le titre exact donné sur le catalogue de M. Libri, n° 1476. Il n’y avait, vous le voyez, dans la date de 1551 qu’une simple faute d’impression.

Il en est de même d’une certaine inscription mise sur un Catulle enlevé à la bibliothèque de Montpellier et qui a été pour vous et pour M. Libri un sujet inépuisable de plaisanteries. Vous vous moquez très fort de ce que l’on a lu : Bibliothecoe S. 10 in Casalibus Placentica au lieu de Bibliothecce S.I0 in Canalibus Placentica. Il est très vrai, monsieur, que le texte de l’acte d’accusation imprimé au Moniteur porte S. 10 au lieu de S. I0, mais nous pouvons vous affirmer que cette erreur, si grave à vos yeux, n’existe point sur le rapport original des deux personnes qui, à Montpellier, ont été chargées de l’expertise relative au Catulle[3]. Nous affirmons en outre que le titre porte in Casalibus et non pas in Canalibus, comme vous le prétendez sur la foi de votre ami. Avant d’être déposé au greffe, le volume avait passé par nos mains et nous l’avions soigneusement examiné.

L’acte d’accusation reproche à M. Libri d’avoir enlevé à Montpellier, dans un recueil contenant des lettres adressées à Alde Manuce, une lettre d’Arétin à

  1. Catalogue des livres que renferme la bibliothèque publique de la ville de Grenoble, par Ducoin ; 1831, 1835, 1839, 3 vol. in-8o.
  2. La table des matières placée à la fin du troisième volume donne pour le recueil où était cette pièce les deux numéros 16616 et 7013. Il est désigné dans l’acte d’accusation par ce dernier numéro.
  3. MM. Thomas, archiviste du département de l’Hérault, et Durville, relieur. Ils ont constaté, entre autres, que la reliure actuelle n’était point la reliure primitive du volume.