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La restauration de l’influence de l’Autriche dans les conseils de l’Europe est, après sa réorganisation intérieure, ce qui dès le lendemain de Vilagos et de Novare préoccupa visiblement le plus le prince de Schwarzenberg. L’Autriche à cette époque, graces à ses longues discordes intérieures, était depuis longtemps absente du théâtre de la politique générale. Il était une scène surtout où sort personnage s’était de plus en plus effacé, et où cependant elle aura toujours et avec raison à cœur de jouer un grand rôle, la scène des affaires allemandes. La cour de Potsdam, profitant des embarras cruels qui absorbaient toute l’attention et toutes les forces de sa rivale en Hongrie et en Italie, avait été en 1849, au plus fort des succès des Hongrois, jusqu’à provoquer, de la part du parlement de Francfort, une adresse inouie dans les annales de l’Allemagne : elle s’était fait offrir la couronne impériale, et les députés prussiens même avaient été jusqu’à faire voter en principe l’exclusion de l’Autriche de la confédération germanique. Le prince de Schwarzenberg avait conçu une rancune profonde de cette conduite de la Prusse, et dès que les Italiens et les Hongrois l’eurent laissé libre, il travailla à s’en venger. Il l’a fait avec une résolution et un succès qui ont frappé toute l’Europe. Nous ne rappellerons pas les phases de cette longue guerre de chancellerie qui, commencée avec les protestations de l’archiduc Jean à Francfort, a failli aboutir avec la rentrée de M. de Radowitz dans le ministère prussien, à une guerre générale, et qui, à Olmütz et à Dresde, s’est terminée pour la cour de Berlin par un véritable Iéna moral. Le prince de Schwarzenberg, dans cette lutte, avec des passions et des défauts qui tenaient plus à son tempérament qu’à son caractère, a montré des qualités politiques de premier ordre. Si on a pu lui reprocher de l’humeur dans certains détails, on ne peut dans l’ensemble qu’admirer l’habileté, la hardiesse, la vigueur avec laquelle, détachant successivement de la Prusse tous les gouvernemens que la raideur et les prétentions de celle-ci avaient froissés, il a fini nu jour, à Bregenz, par ne lui laisser d’autre alternative que d’abaisser son drapeau ou de se faire écraser. Ainsi l’Autriche ne doit pas seulement au prince de Schwarzenberg sa pacification et sa réorganisation intérieure, elle lui doit aussi le rétablissement de son autorité dans les affaires de la confédération germanique, et par là la restauration de son ascendant dans la politique du monde. Quand, en 1848, le prince a pris le gouvernement de son pays, à l’intérieur ce gouvernement était dissous, au dehors amoindri ; en 1852, il l’a laissé réorganisé, respecté et influent.

Il est notoire, quand la mort l’a surpris, que c’est à l’affermissement et à l’accroissement de cette influence, où il semblait voir, et avec raison, la meilleure garantie de la sécurité intérieure de la monarchie autrichienne, que sans relâche il travaillait. Deux théâtres surtout fixaient, et, on peut le dire, absorbaient ses regards : l’Italie et l’Allemagne. Reprenant dans la péninsule le système que, durant ses dernières années, le prince de Metternich avait inauguré, il s’efforçait de lier de plus en plus l’Italie à l’empire en négociant avec la Toscane, les États-Romains et Naples des unions douanières dont le double objet était d’ouvrir au commerce autrichien un débouché dans la Méditerranée, et d’isoler le Piémont, dont il détestait particulièrement les maximes politiques, du reste des états italiens. Sa diplomatie avait dans cette voie remporté de grands succès à Florence, à Rome et à Naples, et, sans l’intervention