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l’impuissance, quand, à la fin de 1848, M. de Schwarzenberg prit les affaires. Il n’était vraisemblablement pas, à en juger par plusieurs de ses actes, aussi hostile au gouvernement constitutionnel proprement dit que les uns l’en ont accusé et que les autres se sont plu à le faire croire ; ce qu’il détestait seulement, et il ne s’en cachait guère, c’était l’agitation stérile que, dans les temps de révolution, les masses prennent pour la liberté. Il n’y avait qu’une chose qui égalât sa haine pour l’anarchie, c’était son mépris pour l’impuissance. La diète de Kremsier, avec les meilleures intentions du monde, se montrait de jour en jour plus incapable d’enfanter une charte qui fût viable. Le prince de Schwarzenberg, en mars 1849, conseilla à son souverain de la dissoudre et d’octroyer la constitution que l’empire attendait et que ses députés ne parvenaient pas à lui donner. Cette constitution a eu depuis un triste sort : par lettres de cabinet et ordonnances des mois d’août et de septembre 1851, l’empereur, toujours sur le conseil de son premier ministre, l’a annulée. On a très aigrement conclu de ce double fait, en Allemagne et en Angleterre, que le prince de Schwarzenberg et son jeune souverain, cédant à un esprit violent de réaction contre les principes les moins contestables de la révolution du 13 mars 1848, méditaient de ramener le gouvernement impérial dans l’ornière du vieux régime. C’était une erreur ; on a jugé l’empereur François-Joseph et le brillant ministre qu’il vient de perdre avec aussi peu de justice sur ce point-là que sur celui de l’intervention russe.

L’opinion publique elle-même, beaucoup plus consultée à la cour de Vienne que généralement on ne pense, n’a point paru considérer comme une mesure contre-révolutionnaire la suppression de la charte du 4 mars. Issue beaucoup plus de la fièvre révolutionnaire de l’époque qui l’avait vue naître que de la volonté réfléchie du cabinet de Vienne, cette charte énonçait des principes de gouvernement inintelligibles à la plupart des populations de l’empire et impraticables à toutes : ce sont ces institutions de fantaisie, venues avant le temps dans un terrain qui n’était pas préparé pour les recevoir, que les ordonnances de septembre ont seules supprimées ; quant aux réformes civiles et administratives que sous le gouvernement immobile du prince de Metternich l’Autriche entière demandait, loin de les refuser à son temps et à son pays, le prince de Schwarzenberg les leur a complètement accordées. Grace à ses efforts, à ceux de ses collègues, et principalement de M. Bach, l’égalité civile règne aujourd’hui en Autriche, et si la loi de succession n’y est pas aussi radicale que chez nous, si la main d’un législateur habile y a dans une sage proportion mêlé le principe du majorat féodal à celui de la division à l’infini des patrimoines, ce n’a été que dans un but également avantageux aux particuliers et à l’état. Du reste, plus de corvées, plus de dîmes, plus de tribunaux civils spéciaux ; la loi réelle et personnelle est aujourd’hui en matière civile, à Vienne comme à paris, la même pour tout le monde. La refonte de l’administration a été inspirée du même esprit que celle de la législation des propriétés et des personnes. Il est vrai que cette refonte est encore en grande partie sur le papier, et que les ordonnances de l’Allgeineines Reichs-Gesetz und Regierungsblalt sont loin d’être toutes réalisées : l’Autriche n’est pas la France, et il n’y suffit pas qu’un décret paraisse au Bulletin des Lois pour passer le lendemain du domaine de l’ordonnance dans celui de la mise à exécution ; mais encore est-il que les constitutions administratives