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non moins remarquable que ses lumières, avait fait courir les mêmes périls, n’échappa que par miracle au même sort. Le gouvernement entier abandonna Vienne et se réfugia avec la cour à Olmütz.

Le prince de Schwarzenberg, guéri de sa blessure durant cet intervalle, avait quitté l’Italie en y laissant dans la mémoire de ses compagnons d’armes un brillant souvenir de sa valeur, et, ce qui était plus sérieux pour son avenir politique, après avoir inspiré au maréchal Radetzky une haute idée de son esprit et de son caractère. Le 6 octobre, il se rendit à la suite du gouvernement, comme la plupart des personnages importans de l’empire, à Olmütz. Des résolutions énergiques, entre autres celle de la nomination du prince Windischgraetz au commandement de l’armée chargée de réduire Vienne, furent aussitôt prises par la cour, et le prince de Schwarzenberg eut dans toutes une influence qui fut publique. Le 21 novembre enfin, Vienne étant réduite, il fut nommé au poste, plus difficile peut-être alors à remplir qu’à aucune époque de l’histoire d’Autriche, de président du conseil des ministres. À quelques jours de là, le 2 décembre, l’empereur Ferdinand, sur les conseils, dit-on, de l’impératrice Marianne, princesse aussi distinguée par l’élévation du caractère que par les qualités de l’esprit, abdiqua, de concert avec son frère l’archiduc François-Charles, en faveur du fils de celui-ci, François-Joseph. Le nouvel empereur était alors âgé de dix-huit ans à peine ; mais, dans cette extrême jeunesse, il montrait déjà de fortes qualités, et on savait que l’archiduchesse Sophie sa mère, qui, en abdiquant en sa faveur, sacrifiait le rang d’impératrice, lui avait de borne heure inculqué les sentimens d’un roi. C’est de ce grand acte, qui, rajeunissant le personnel entier du gouvernement autrichien, à commencer par l’empereur lui-même, a ouvert dans l’histoire intérieure et extérieure de l’Autriche une ère vraiment nouvelle, que date, avec la prépondérance du prince de Schwarzenberg dans les conseils de son souverain, l’influence profonde qu’il a exercée quatre années durant sur les destinées de son pays.

Quand, en ce mois de décembre 1848, il prit à Olmütz la direction des affaires, tout croulait ou fermentait dans l’empire. L’Italie sans doute était vaincue, mais elle n’était pas réduite. La Hongrie, de jour en jour, devenait plus menaçante. L’avènement de M. Kossuth à la présidence du ministère hongrois, le 24 novembre, avait été une vraie déclaration de guerre, et M. de Schwarzenberg, dès son début à Olmütz, la considérant comme telle, avait dû agir en conséquence. Le reste de l’Autriche était dans une agitation inexprimable. La constituante alors assemblée à Kremsier, malgré les efforts inouis de M. Bach, du comte Stadion et de quelques autres grands dignitaires, se consumait dans une anarchie comparable, sinon dans ses tendances, au moins dans ses résultats, à celle qui dévorait à la même époque le parlement de Francfort. Enfin la tension des liens qui attachaient dans l’empire Italiens, Slaves de toute sorte, Hongrois, Allemands, Latins, à la maison a’Autriche, était telle que, de toutes parts en Europe, ce fut un cri qu’ils allaient se rompre. C’est dans ce désespoir universel que le prince de Schwarzenberg parut. Quatre années ont passé sur ce moment solennel dans l’histoire contemporaine de l’Autriche. Où en est-elle aujourd’hui ? Elle est sortie sanglante, mais plus vivace et plus fortement unie que jamais, de la tragique étreinte qu’elle a subie. À l’intérieur,