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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 avril 1852.

On a souvent l’habitude de rapprocher les époques, de comparer le moment où nous vivons aux premières années de ce siècle. C’est, si l’on veut, un moyen de s’orienter dans la nuit où l’on marche, de savoir où l’on va, en apprenant où on est allé dans des crises identiques. Tout y prête d’ailleurs peut-être aujourd’hui. Il semble en vérité, depuis quelques années, que nous soyons en train de recommencer une période de notre histoire, et que nous rentrions dans un de ces cercles dont parle Vico, où se reproduisent à distance les mêmes accidens, les mêmes phénomènes, et où les mêmes causes engendrent les mêmes effets. Le danger, c’est de travailler d’un effort trop visible à rendre dans la pratique ces analogies plus - frappantes qu’elles ne le seraient naturellement, et de tenir trop peu de compte des différences. Au fond, ces différences sont plus réelles qu’on ne suppose entre notre temps et le temps glorieux dont on parle. Au moment où le premier consul entreprenait de relever la France, il trouvait un sol libre. Les opinions anciennes étaient presque passées à l’état de souvenirs ; les opinions nouvelles étaient en déroute, accablées sous le poids de huit ans de malheurs enfantés par elles. Il n’y avait plus de partis, à vrai dire. La tendance dominante était une émulation universelle à seconder cette reconstruction de la société française dont le pouvoir nouveau se faisait l’instrument. Le premier consul n’était pour personne la représentation trop directe d’une défaite. Il pouvait faire appel aux hommes les plus éprouvés, aux intelligences les plus éminentes. C’était le premier pouvoir conservateur sorti de la révolution après des gouvernemens violens, éphémères et sans racines. — Pénétrez un moment dans notre temps : depuis un demi-siècle, trois ou quatre régimes se sont succédé, non plus seulement des régimes révolutionnaires, mais trois ou quatre régimes monarchiques, entendant d’une manière différente la politique conservatrice et ayant grandement à leur heure contribué à la prospérité du pays. Chacun d’eux a laissé des attachemens honorables, des fidélités, des intérêts divers. Il est arrivé dans l’ensemble de la vie publique