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étude sur la décadence de la monarchie espagnole[1], le prix des denrées augmenta dans toutes les provinces ; le pain manqua sur tous les marchés, et, pendant plusieurs jours, il n’y eut presque pas de transactions commerciales. Une grande effervescence régnait dans les villes de Cadix, de Séville, de Malaga et de Cordoue. » Comment finit cette crise ? Par une banqueroute générale et contagieuse, qui commença par l’état et entraîna tour à tour les particuliers.

Après avoir employé, pour la monnaie d’appoint, un billon assez valable jusqu’au milieu du dernier siècle, la Sardaigne eut à traverser des jours de crise, pendant lesquels on fit argent de tout. On imagina, entre autres ressources, de réduire la valeur intrinsèque du billon. Le gouvernement ne considérait cette opération que comme une sorte d’emprunt forcé remboursable en des jours meilleurs. Lorsque, plus tard, on voulut retirer la monnaie affaiblie, on s’étonna d’en trouver trois ou quatre fois plus qu’on n’en avait émis. Observée au microscope, on en distingua jusqu’à quatorze variétés, ce qui prouve qu’en fort peu de temps, on en avait établi au moins quatorze manufactures. Pareille mésaventure était arrivée au roi de Prusse Frédéric II, lorsqu’il démonétisa un mauvais billon fabriqué pendant la guerre de sept ans.

On nous reprochera peut-être d’aller chercher trop loin des exemples peu concluans pour nous. Citons donc un pays dont les mœurs commerciales diffèrent peu des nôtres. L’Angleterre attachait si peu d’importance au cuivre monnayé, que, jusqu’au commencement de notre siècle, le gouvernement ne s’était pas réservé le privilège d’en émettre. Un usage très ancien autorisait les négocians à faire frapper des pièces de confiance, sortes de billets au porteur qu’on acquittait à présentation, soit en espèces d’or et d’argent, soit en marchandises. Chacun en déterminait à sa volonté le poids et la forme[2]. Le souscripteur de ces billets métalliques y inscrivait son nom et la valeur dont ils étaient le gage. Assez ordinairement, on y faisait graver une effigie populaire ou un trait de l’histoire nationale, et, comme les maisons riches mettaient vanité à ce que ces pièces fussent d’un bel aspect, il en est plusieurs qui se sont classées comme œuvres d’art dans les collections de médailles. Cette coutume donna l’essor à une industrie spéciale ; Un mécanicien que Watt prit pour son associé et qui devint célèbre à son tour, Boulton, établit, en 1788, près de Birmingham, un atelier de monnayage, où il perfectionna les procédés de cet art au point d’acquérir une réputation européenne pour la beauté de ses types et l’abondance de sa fabrication.

  1. Publiée en 1834 ; 2 volumes.
  2. Ces pièces portaient en effet le nom de signes, tradesmen’s tokens, ou de billets de cuivre, copper notes.