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pour sortir de l’archipel, la passe de la Vernon, nous eûmes en quelques heures laissé derrière nous toutes ces îles dont nous vîmes bientôt les sommets élevés disparaître l’un après l’autre sous l’horizon. Nous passâmes, sans nous y arrêter, devant la rivière de Fou-tchou-fou. L’entrée du Min-kiang est trop périlleuse pour pouvoir être tentée sans de grandes précautions par un navire du tirant d’eau de la Bayonnaise, et nous n’avions point le temps de naviguer d’une manière prudente. Nous ne pouvions plus songer qu’à paraître devant Amoy, à nous y arrêter un jour ou deux, et à cingler sans plus de retard vers Macao.


V

La mousson nous porta en vingt-quatre heures sur les côtes du Fokien. Des milliers de bateaux, dérivant autour de nous sous une seule voile carrée, occupaient toute l’étendue de l’horizon. Ce n’étaient plus les bateaux-pêcheurs du Kouang-tong, lourdes et vastes carènes qui semblent faites pour défier les rigueurs de l’hiver. Les bateaux du Fokien, montés en général par trois ou quatre hommes, ne sent ni moins intrépides ni moins constans que les barques de la province voisine ; ils sont plus frêles et renferment une population bien plus misérable. Leurs filets, qu’ils abandonnent souvent au milieu de la mer, sont alors soutenus par d’énormes pièces de bois, des poutres qu’on eût prises pour les débris d’une flotte, et dont la Bayonnaise avait grand soin d’éviter le redoutable choc. — Bientôt les hautes montagnes du continent chinois se montrèrent à nos yeux ; nous dépassâmes rapidement la rade de Chimmo, où de nombreuses jonques se montraient abritées à l’angle d’un promontoire, et, suivant à la distance de quelques milles la côte orientale de l’île Quemoy, nous vîmes s’ouvrir devant nous la vaste baie dans laquelle nous allions mouiller.

La baie d’Amoy, formée par une île considérable qui se développe au milieu d’une large échancrure du continent asiatique, est un des plus magnifiques mouillages qu’on puisse voir. Un îlot granitique situé à peu de distance de l’île d’Amoy, l’îlot de Ko-long-seu, encadre dans cet immense et tranquille bassin les eaux plus paisibles encore d’un port intérieur. Ce fut cet îlot que les Anglais occupèrent jusqu’en 1846. De là ils dominaient la ville d’Amoy, qui s’étendait en face de leurs batteries, et ils n’avaient point à craindre l’indignation et les complots de la population la plus belliqueuse de la Chine. Les Fo-kinois méritaient cet excès de précautions, car ils forment une exception remarquable parmi les peuples de race chinoise ; on les cite pour leur hardiesse et leur mâle fierté ; on se rappelle encore la résistance désespérée qu’ils opposèrent à l’usurpation tartare. Les habitans du Fo-kien ont colonisé Formose ; on les voit se porter sans cesse vers les côtes de