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Voici maintenant le type qui accompagne cette légende. Sept têtes monstrueuses soufflent à qui mieux mieux sur un œil de face ; ces têtes sont ainsi désignées la calomnie, le haut clergé, l’état de siége, les 45 centimes, les prétendans, l’aristocratie, les états-majors. L’œil en question est placé au-dessus d’un faisceau que surmonte un bonnet à cocarde qui ne ressemble que médiocrement à un bonnet rouge ; le faisceau repose sur un arceau surmonté de deux drapeaux. Quant aux sept plaies désignées, nous devons reconnaître qu’il y en a quelques-unes que la république de 1848 s’est inoculées de sa propre main. Au revers paraissent encore les sept têtes malfaisantes ; mais, si elles ont la gueule ouverte, elles ne soufflent plus, et la république, majestueusement assise, s’appuie de la main droite sur la table des droits de l’homme, tandis qu’elle soutient de la gauche un niveau au-dessus d’une figure de femme emmaillottée comme une momie. Est-ce la France ? Je le suppose. Ce que je suppose aussi, c’est que la France attend autre chose de la république qu’un emmaillottage assez serré pour ne pouvoir plus remuer ni les bras ni les jambes. — Le peuple la guérira, elle fera le tour du monde, dit la légende. De compte fait, ce n’est pas le premier tour de la vagabonde déesse.

Une médaille lilloise en plomb formule nettement le programme des socialistes. D’un côté, nous lisons : Vive la République démocratic et sociales (sic) ; de l’autre : Abat (sic) le riche, vive le partage des biens. Cet honnête partageux n’a, comme on le voit, pas plus de respect pour l’orthographe que pour la propriété. La médaille de la révolution de 1848 est tout aussi nette. D’un côté, on voit une tête d’homme barbu, coiffé du bonnet phrygien à cocarde, entre une hache et un poignard ; de l’autre, nous lisons : 1789 a tué les privilèges, 1848 tuera les écus. Cette médaille, toute grotesque qu’elle paraisse, doit être prise au sérieux ; si 1848 n’a pas tué les écus, il en a pendant un moment rendu l’espèce bien rare. Une autre médaille conçue dans le même esprit porte, d’un côté, 24 février 1848 : Droit au travail, droit à l’existence, ateliers nationaux, et au revers : Constitution des 900. Dieu te bénisse, citoyen, tâche de ne pas mourir de faim.

Tout à l’heure on nous a signalé les sept plaies de la république, une dernière médaille nous la montre malade et au lit. Le lit est décoré d’une tête de mort et d’os de mort en sautoir ; on lit au revers : La réaction la rend bien malade, elle ne manque pourtant pas de médecins, mais ce sont les charlatans que je redoute pour elle. L’affaire de Risquons-Tout est célébrée par une médaille dont la légende est un calembour : Risquons-Tout, oui, tout pour l’humanité. — 1848.

À la suite des journées de juin, beaucoup de médailles ont été frappées avec les balles de l’oppression comme autrefois avec les chaînes de la tyrannie. Les unes portent : Journées de juin 1848 : du pain ou du plomb. — Liberté ou la mort. — Vive Barbès ! avec cette légende au revers : Modèle de balle en usage dans les guerres civiles, venant d’outre-mer. Il y a cinq ou six variantes de cette médaille, qui souvent figure une simple halle sur le corps de laquelle on lit : 22 juin 1848, du pain ou la mort, vive Barbès ! ou bien : Résurrection de la république rouge, et au revers : Du pain ou du plomb ! Sur quelques-unes, on a figuré un bonnet rouge comme seul accessoire. D’autre part, un commissaire de police, curieux de numismatique, a fait exécuter une médaille avec des balles saisies sur les insurgés de juin, et il n’en a fait frapper que quatre épreuves. Un autre, amateur et patriote, a rassemblé un certain nombre de