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souvenirs du passé se mêlent quelques commémorations de nos gloires contemporaines : la Prise de Constantine, le Passage des Portes-de-Fer. Nous touchons cependant à la grande douleur du dernier règne, au premier et plus terrible coup porté à ce monument si péniblement fondé et qu’on pouvait croire si solide à cette mort inopinée du jeune prince, l’orgueil et l’espoir de cette nouvelle race royale. Parmi les médailles sans nombre inspirées par ce douloureux événement, on ne distingue guère que celles de MM. Barre et Caqué et la touchante médaille où sont réunis la princesse Marie et le prince royal.

Les grandes découvertes, les inventions utiles, tout ce qui frappe l’imagination des hommes ou ce qui sert leurs intérêts est assuré des suffrages de la foule et ne manque jamais d’inspirer le talent des artistes. Nous ne devons donc pas être surpris si la plus grande découverte des temps modernes, l’application de la vapeur à la locomotion, a été le thème d’un si grand nombre de médailles. Chaque loi nouvelle, chaque inauguration de chemin de fer est célébrée par quelque pièce de ce genre. Cependant, il faut le dire, nos graveurs ne se mettent guère en frais d’imagination, et ne reproduisent au revers qu’un même type, une locomotive. Quelquefois à la locomotive ils joignent un train lancé à toute vapeur traversant un viaduc, franchissant une rivière, s’enfonçant sous un tunnel. Nous l’avons dit tout-à-l’heure, la loi sur les chemins de fer, de 1842, a été l’occasion de la plus grande médaille contemporaine, celle qui a été exécutée, par les ordres du ministère des travaux publics, et dont M. Bovy est l’auteur. Cette médaille, dont on ne saurait approuver les proportions, est, sous tous les autres rapports, l’une des plus heureuses inspirations de la numismatique moderne. La Loi siége sur un trône élevé ; elle domine de vastes régions sillonnées par de nombreuses voies de fer qui s’enfoncent dans le plus lointain horizon : son attitude est majestueuse, son geste souverain. Elle vient de donner le signal du départ à deux génies placés à ses côtés, et qui, sous les traits de Mercure et de Mars, personnifient le commerce et la guerre. Ce ne sont toutefois ni le Mars ni le Mercure antiques, l’un attaché au sol par sa cuirasse et ses armes pesantes, l’autre n’ayant pour se mouvoir dans l’espace que les ailerons de son pétase et de sa chaussure. C’est Mars et Mercure portés par de vastes ailes, les ailes de l’aigle, et s’élançant avec une fougue inimaginable dans la même direction que les voies ferrées sur lesquelles tous deux planent. Le sujet s’explique si bien de soi-même, que la légende qui porte Dant ignotas Marti novasque Mercurio alas, nous paraît presque superflue.

La simple nomenclature des médailles frappées pendant ce règne de dix-huit années remplirait un volume ; nous nous bornerons donc à en décrire un petit nombre des plus remarquables, et dont quelques-unes ont paru à la veille de la chute de la monarchie, dont elles rappelaient les derniers actes et les derniers triomphes. Telles sont les médailles de la Translation des restes de l’empereur Napoléon, par M. Galle, et de leur Réception aux Invalides, par M. Barre ; celles du Bombardement de Mogador, de la Bataille d’Isly et de la Prise de Saint-Jeand’Ulloa, par M. Depaulis. Cette dernière médaille est de grand module (72 millimètres). Cette dimension extrême, et qu’à notre avis l’art ne doit pas dépasser, est justifiée cette fois par la nature du sujet et par le système d’interprétation qu’avait adopté l’habile graveur. Comme M. Ingres en avait donné l’exemple dans sa composition de Napoléon passant le Rhin, M. Depaulis a combiné hardiment