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17 juillet 1790. Après le 21 janvier, la réaction éclate avec une formidable unanimité, réaction de colère chez les étrangers, de pitié chez le peuple et la bourgeoisie égarée. Les vingt et quelques médailles frappées à l’occasion de ce crime politique sont toutes inspirées par l’un ou l’autre de ces sentimens ; toutes flétrissent le crime ou le déplorent.

Le glorieux fanatisme de Charlotte Corday est l’occasion de plusieurs médailles, consacrées, les unes à la sublime meurtrière, les autres à sa hideuse victime. Parmi ces dernières, nous signalerons une tête de Marat coiffée d’un mouchoir, sous laquelle on lit ce seul mot : Marat. Cette médaille a dû être sans aucun doute exécutée sous la direction de David, dont elle rappelle le terrible tableau. Sept médailles sont dédiées à Charlotte Corday. Sur six d’entre elles, on la voit représentée dans le costume que nous connaissons, et avec ces seuls mots en exergue : Décapitée à Paris le 17 juillet 1793. Une seule médaille, frappée sans doute hors de France (car le nom de Charlotte y est singulièrement estropié, on l’appelle Gordet-Darmand au lieu de Corday-Darmans), porte au revers une couronne de chêne avec les mots : Bien méritée. C’est le seul hommage public qui ait été adressé à sa mémoire. Il est vrai que, dans l’hymne magnifique qu’il lui a consacré, André Chénier s’écriait

La Grèce, ô fille illustre ! admirant ton courage,
Épuiserait Paros pour placer ton image
Auprès d’Harmodius, auprès de son ami ;
Et des chœurs sur ta tombe, en une sainte ivresse,
Chanteraient Némésis, la tardive déesse
Qui frappe le méchant sur son trône endormi ;


mais cet hymne n’a été rendu public que vingt-sept ans après la mort de la victime, et Paros n’a pas fourni un seul bloc pour faire revivre les traits de l’héroïque jeune fille.

La mort néfaste de la reine Marie-Antoinette réveille avec un redoublement d’énergie ces sentimens d’horreur ou de pitié inspirés par l’exécution du roi Louis XVI. La plus importante des nombreuses médailles commémoratives de ce fatal événement nous montre d’un côté la reine en costume d’apparat, dans tout l’éclat de sa jeunesse et de sa puissance ; au revers, nous la voyons dans l’ignoble tombereau, la tête nue et rasée, les mains attachées derrière le dos, au fond et au-dessus de la foule immense apparaît la hideuse guillotine. Jamais opposition n’a été plus tranchée, jamais revers de médaille n’a été plus terrible. Une autre de ces médailles porte au revers une furie tenant une torche allumée de la main gauche, et de la main droite une balance dont un poignard abaisse un des plateaux ; le plateau qui s’élève contient une couronne et les tables de la loi. Cette composition est remarquable d’énergie.

Pendant toute la seconde moitié de 1793 et les premiers mois de 1794, des médailles plus affreuses les unes que les autres sont frappées quotidiennement. Ce sont toujours des piques et des bonnets rouges au revers, rayonnant comme des couronnes. Quelquefois un homme du peuple, espèce d’Hercule en manches de chemise, une Liberté débraillée ou armée d’une hache, et toujours pour légende : La liberté ou la mort ! C’est la honte de l’art consacrant la honte du pays. Marat, Chalier, Lepelletier-Saint-Fargeau, sont figurés sur plusieurs de