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monarque. Louis XVI est le bon roi, le prince libérateur ; beaucoup portent en légende ou à l’exergue : Vive Louis XVI pour le bonheur de son peuple. La concorde la plus touchante semble régner, et l’on voit sur l’une de ces médailles le bras du tiers-état soutenant la couronne. Une fois l’assemblée installée, ce sont les trois ordres qui deviennent l’espoir du peuple. Ces médailles sont d’une extrême faiblesse, et l’événement ne paraît pas avoir inspiré les graveurs. Quelques-unes sont ignobles. Sur l’une de ces dernières, on lit la légende suivante dont nous conservons l’orthographe : Les trois ordres nous faits espérer le bonheur de la France. La figure des trois ordres est digne de la légende ; il paraît impossible que ce ne soit pas une caricature. Survient tout à coup la prise de la Bastille, figurée avec un certain mouvement sur la grande médaille d’Andrieu, qui n’est toutefois qu’une flatterie impudente à l’adresse du peuple héroïque, et représentée dans la plupart des autres de la façon la plus grossière et la plus baroque.

À la suite de la prise de la Bastille, les médailles de Necker se multiplient. On en connaît jusqu’à onze de toutes les grandeurs et dont quelques-unes sont forgées avec les chaînes de la tyrannie. En octobre, une médaille d’Andrieu nous montre la nation qui a conquis son roi. Au pied de la statue du roi Louis XV, sur la place de la Concorde et à ce même endroit où, quatre ans plus tard, la tête du malheureux prince doit tomber, on voit le carrosse du roi ramené de Versailles et entouré de la populace du temps, au milieu de laquelle on aperçoit Lafayette à cheval. Trois médailles retracent ou célèbrent la fête de la Fédération, anniversaire du 14 juillet. L’une d’elles, qui représente un héros antique appuyé sur un canon, avec un trophée d’armes à ses pieds, et au fond une bastille démantelée, dénote chez le graveur une certaine pratique de l’art ; les autres, bien que quelques-unes soient frappées avec le métal provenant des chaînes de l’ancienne servitude française (style du temps), ne présentent que de hideuses ou informes images de la réalité, de grotesques caricatures. Nous sommes étonné de ne rencontrer qu’une seule médaille du 10 août, frappée sur l’ordre de la commune de Paris, et de deux modules différens. Cette pièce représente une Victoire antique foulant aux pieds un sceptre et une couronne, s’appuyant sur une pique surmontée du bonnet phrygien, qu’elle tient de la main gauche, et, de la droite, brandissant la foudre, avec cette légende : Exemple des peuples ! Cette médaille, qui est de Duvivier fils, qui ne l’a signée qu’à demi, c’est-à-dire des trois premières lettres de son nom, est peut-être la meilleure du temps ; le mouvement de la figure est très remarquable.

Jusqu’à ce jour, la révolution triomphe sans obstacles et en quelque sorte sans contradiction. C’est une marée montante qui balaie tout devant elle. Ce n’est qu’au loin que la résistance se prépare et s’organise. Elle s’annonce par deux médailles commémoratives du congrès de Pilnitz, où sont figurés les trois souverains alliés, l’empereur Léopold, le roi de Prusse et l’électeur de Saxe, et par une médaille anglaise du 14 Juillet tout-à-fait contre-révolutionnaire. On voit d’un côté une harpie affublée d’un manteau royal, brandissant une pique surmontée du bonnet rouge, avec cette légende : Our food is sédition (notre nourriture est la sédition), et au revers un serpent qui se glisse entre des herbes, au-dessus duquel sont écrits ces mots : Nourished for forment, et à l’exergue :