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et dans les monumens de la statuaire et de la peinture. Duvivier fils et Gatteaux le père sont les promoteurs de cette transformation. On doit remarquer également la disparition presque complète des allégories mythologiques, du moins dans les médailles officielles ; on leur substitue des attributs plus en rapport avec le caractère grave et pieux du monarque. La Religion, la Piété, la Foi, remplacent les Muses, les Minerves et toutes les déités d’autrefois. C’est la Religion en personne qui assiste au sacre du roi, tenant de la main gauche un calice surmonté d’une hostie rayonnante, et de la main droite la sainte ampoule avec laquelle elle va oindre le roi agenouillé devant elle. La couronne de France, le sceptre et la main de justice sont posés sur un tabouret placé à côté de l’autel. Cette médaille est de Gatteaux le père. Les médailles de George Washington et de Paul Jones, vainqueurs l’un à Boston, l’autre à Sérapis, nous les montrent en personne, dans leurs costumes de général et d’amiral, sans attributs et sans allégories. Plusieurs médailles furent simultanément frappées en l’honneur des frères Montgolfier, inventeurs des aérostats. L’une d’elles nous fait assister à une véritable ascension au milieu du Champ de Mars ; une autre, de Gatteaux le père, nous montre la Terre couronnée de tours, appuyée sur un lion, considérant avec surprise un ballon sous lequel un génie tient une torche enflammée. On connaît la fameuse médaille de Franklin qui porte d’un côté le buste du réformateur, avec cette inscription que nous traduisons du latin Benjamin Franklin, né à Boston le 17 janvier 1706, et au revers, une couronne de chêne avec cette légende dans le champ : Eripuit coelo fulmen sceptrumque tyrannis. Cette médaille est du graveur Auguste Dupré ; elle parut en 1786, trois ans avant la prise de la Bastille.

Deux médailles du tiers-état de Provence et du tiers-état de Franche-Comté sont comme les premiers préludes d’une révolution qu’on voit bientôt éclater. Les médailles du 14 Juillet, de la Prise de la Bastille, de Necker, de l’Établissement de la Mairie de Paris, du 6 Octobre, marquent chacune des dates mémorables ou fatales de cette grande crise sociale. Ces médailles, exécutées par Duvivier fils, Auguste Dupré et autres, et frappées à la Monnaie, sont en général assez médiocres : on y retrouve encore néanmoins un certain respect des conditions de l’art ; mais, après le 14 juillet et le 6 octobre, les artistes ou soi-disant tels étant affranchis de toute autorisation préalable et pouvant faire frapper des médailles en dehors des ateliers de l’état, chaque événement est exploité par une foule de graveurs sans talent, dont la plupart n’avaient fabriqué jusqu’alors que des timbres ou des boutons. Les productions se multiplient, et, à de rares exceptions près, sont d’une telle faiblesse et annoncent une telle ignorance des premiers élémens de l’art du dessin, qu’il semble qu’on soit revenu à ces époques de barbarie qui ont précédé la civilisation moderne. Dans les légendes, trop souvent odieuses, qui accompagnent ces grotesques représentations du fait ou les images de chacun des grands hommes du jour, l’orthographe n’est pas même respectée, de sorte que les lois de la morale, du dessin et de la grammaire sont outragées du même coup. Au point de vue historique et sous le rapport de l’art, il est curieux toutefois de jeter un coup d’œil sur ces nombreux et trop souvent informes monumens de la numismatique révolutionnaire.

Les médailles qui précèdent ou accompagnent la réunion de l’assemblée constituante sont des médailles d’espérances ou de félicitations adressées au