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orbis (tu triompheras de la force du monde). Cette médaille est la première qui porte en toutes lettres la signature de George Dupré. Une médaille, faisant suite à la précédente, nous montre Hercule terrassant un centaure, avec cette légende : Opportuniùs (plus à propos). Elle répond à la médaille que le duc de Savoie avait fait frapper, et qui représentait un centaure décochant une flèche et foulant aux pieds la couronne royale, avec cette légende : Opportunè (à propos). La réponse fut frappée en 1602, après la conquête du marquisat de Saluces. La suite des médailles du roi Henri IV est assez nombreuse. Plusieurs nous représentent les effigies superposées du roi et de la reine Marie de Médicis, qui, selon l’expression du président Hénaut, ne fut ni assez surprise ni assez affligée de la mort de son époux. Dupré a gravé également en 1606 le grand médaillon de Henri IV couronné de lauriers, cuirassé et portant le cordon de l’ordre du Saint-Esprit. Ce médaillon, qui depuis a été tant de fois reproduit comme le portrait typique du grand et bon roi, est coulé et ciselé ; c’est ici même le cas de faire observer que cette mode des médaillons coulés et ciselés gagnait la France, où elle se continua jusque dans le XVIIIe siècle, quand l’Italie y avait renoncé pour les pièces frappées.

Nous citerons encore parmi les médaillons de George Dupré celui de Marie de Médicis portant l’immense fraise selon la mode du temps, et ceux de François IV, duc de Mantoue, de François de Médicis et du doge Memmo ; mais son chef-d’œuvre est le grand médaillon où cet artiste a réuni Henri IV en empereur romain, Marie de Médicis en Minerve, et Louis XIII enfant, avec cette légende : Propago imperii. Les trois personnages sont en pied.

À propos de ces médaillons imités des Italiens, nous devons signaler une différence essentielle qui existe entre les graveurs français et les maîtres ultramontains, et qui se manifeste à partir des rois Charles IX et Henri III. Nous voulons parler de cette imitation plus directe et plus naïve de la nature que l’influence des artistes italiens tels que Benvenuto Cellini et le Rosso avait fait quelque peu négliger. La précision française lutte contre l’élégance un peu incorrecte des Italiens ; le contour est plus arrêté, les détails sont plus nombreux et plus délicats, et le relief est moins accusé que chez les artistes de l’âge qui précède. Il semble que nos maîtres graveurs aient étudié les peintures des trois Clouet et les crayons de François Quesnel. Ces différences distinguent essentiellement les médailles françaises des médailles italiennes, et constituent, comme pour la peinture et la sculpture, une sorte d’art national.

La plupart des médailles de George Dupré, relatives à la minorité de Louis XIII et à la régence de Marie de Médicis, sont des chefs-d’œuvre. Les revers sont ingénieux et du plus grand style. Tels sont ceux du vaisseau de l’état portant la famille royale, battu par la tempête et dirigé par Marie de Médicis en Minerve, avec cette légende : Servando dea facta deos (devenue déesse pour conserver les dieux), 1613 ; — du coq se nourrissant des pépins de la grenade, ayant pour devise : Vel viscera nudent (ils déchireront jusqu’à mes entrailles), — de l’assemblée des dieux figurant les princes et princesses enfans de la reine, avec cette légende : Luta deûm parte (heureuse de la naissance des dieux), 1624.

George Dupré a laissé également un certain nombre de médailles du commencement du règne de Louis XIII : telles sont les pièces de Sully avec l’aigle au revers portant la foudre, accompagnée de cette devise : Qué jussa Jovis (allant