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de l’ordre du Saint-Esprit. Un grand médaillon coulé et ciselé représente le roi Henri III, les cheveux relevés, coiffé d’un bonnet orné d’une aigrette agrafée avec des pierreries et vêtu selon la mode du XVIe siècle, sans aucun des insignes de la royauté. Ce médaillon, d’un travail extrêmement délicat, et qui semble copié sur quelqu’un des crayons du temps, pourrait bien être un des premiers ouvrages de George Dupré. Nous remarquerons à ce propos que les graveurs français des premières médailles de la renaissance et de toutes les pièces que nous venons d’examiner sont restés complètement inconnus. Aucun d’eux ne signait ses ouvrages, comme avaient fait les maîtres pisans et comme faisaient encore quelques graveurs italiens. Ce ne peut être qu’au moyen de découvertes imprévues, et à l’aide de documens enfouis dans les archives provinciales, qu’un jour on parviendra à connaître les noms de quelques-uns de ces artistes. Les travaux de M. Léon de Laborde sur les Ducs de Bourgogne et la renaissance des arts à la cour de France au seizième siècle nous indiquent dans quel sens les recherches pourraient être dirigées. À la fin du XVIe siècle, on retrouve sur quelques pièces des noms et monogrammes de graveurs. Telle est la médaille de Bellièvre, qui porte la date de 1598, où on lit Conrad de Bloc fecit, et le beau médaillon du duc de Mayenne, signé : Jacques Primavera. On a de ce même graveur une médaille de François Myron, ce prévôt des marchands dont le peuple a gardé la mémoire, qui, en 1605, empêcha Henri IV de réduire les rentes constituées sur l’Hôtel-de-Ville de Paris. Cette médaille lui a peut-être été dédiée par les rentiers du temps.

Dès les premières années du règne de Henri IV, on trouve sur quelques pièces le monogramme G. D. V. F. (George Dupré fecit). Cet artiste, le premier des graveurs français dont nous connaissions le nom, est resté célèbre, bien qu’il ne soit connu que par ses ouvrages, et qu’on n’ait pu recueillir sur lui aucuns détails biographiques. On sait seulement qu’il commença à se distinguer à la fin du XVIe siècle, et les nombreuses pièces qu’il a gravées nous montrent qu’il jouissait d’une haute faveur auprès des souverains et des grands personnages de son temps. On peut dire que Dupré, que ses contemporains ont nommé le grand Dupré, a fondé cette glorieuse école française continuée pendant tout le cours du XVIIe siècle par Warin, son élève, et qui a produit toutes ces belles médailles dont la suite commence à Charles IX et ne se termine qu’à la vieillesse de Louis XIV.


II

La première médaille où l’on retrouve d’une manière certaine le monogramme de George Dupré porte la date de 1597, et représente d’un côté Henri IV en Hercule, coiffé de la peau de lion, et au revers Gabrielle Des-trez (sic), duchesse de Beaufort. Cette médaille, qui fut frappée deux ans avant la mort de Gabrielle, ne nous donne pas une haute idée de la beauté de la séduisante duchesse, dont l’effigie ne manque cependant pas d’une certaine élégance. Quant au roi Henri IV, il a tout-à-fait la physionomie d’un Hercule qui va filer aux pieds d’Omphale. Une médaille de 1600, frappée à l’occasion des hostilités avec la Savoie, nous montre encore Henri IV en Hercule, la peau de lion sous le bras, la massue sur l’épaule, avec cette légende Vinces. robur.