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par tous les souverains de son temps. Vasari et Blondi le vantent comme un grand artiste ; les poètes le célèbrent à l’envi et le comparent à Polyclète et à Phidias. Ses peintures ont disparu, mais ses médaillons sont restés ; la plupart sont signés en larges caractères. Vittore Pisano eut de nombreux émules, ou plutôt forma une grande école. On cite parmi ces maîtres Boldù de Venise, Sperandio de Mantoue, Jules della Torre, Pomedello, Jean Carotto de Vérone, André de Crémone, Pierre de Milan, Nicolas de Florence. L’art se répandit dans toute l’Italie ; ce n’est que dans le siècle suivant qu’il passa les monts. L’école des maîtres pisans appliqua à la gravure des médaillons et médailles les mêmes principes que les grands peintres et les grands sculpteurs du XVe siècle avaient fait prévaloir et qu’ils avaient puisés dans la connaissance de l’antique. La largeur du style, la noblesse et la vérité des expressions, la suppression des détails minutieux et puérils et de toutes les pauvretés de l’âge précédent, distinguent leurs ouvrages, qui sont restés des modèles.

Les premières médailles françaises ont conservé quelque chose de l’énergique simplicité des maîtres pisans. Quelques-unes ont été gravées par des artistes italiens ; les autres sont l’ouvrage de maîtres inconnus et ont été frappées à Lyon, où, vers la fin du XVe siècle et le commencement du XVIe, tout ce qui touchait aux beaux-arts en France avait été en quelque sorte centralisé. Il existe cependant une belle médaille de Louis VII qui porte au revers les armes de la ville de Paris, et qui a dû être frappée à Paris. Ces premières médailles françaises ne remontent qu’à Charles VIII, et offrent, comme nous venons de le dire, une imitation assez littérale des médailles italiennes du même temps. On peut voir au musée monétaire de Paris un spécimen fort remarquable de l’art national à cette époque : ce sont les coins de la médaille commémorative de la conquête de Naples parle roi Charles VIII. Cette médaille, du module de 16 lignes (36 millimètres), représente à l’avers le roi, la couronne en tête, tenant un rameau de laurier de la main droite et monté sur un char de triomphe traîné par quatre chevaux. Les lettres S. C. gravées à l’exergue dénotent une imitation éloignée des monnaies antiques. Au revers, un génie ailé tenant une couronne plane sur un taureau qui foule aux pieds des épis de blé. L’artiste a voulu sans doute indiquer la fertilité des provinces conquises par le roi. Cette médaille ne porte aucun nom d’auteur. Ces médailles de Charles VIII sont peu nombreuses ; les plus importantes ont été gravées en Italie : telle est, par exemple, celle qui représente ce prince, Carolus, rex Francorum christianissimus VIII. coiffé d’un mortier qui lui descend jusque sur les yeux, les cheveux coupés carrément, le nez busqué, avec l’air passablement stupide qu’on lui donne dans toutes ses effigies. Au revers, nous le voyons figuré en Marc-Aurèle enfourchant un énorme cheval de bataille. Cette médaille porte la signature de Simon Fabiano de Parme. Deux autres médailles nous montrent ce même prince toujours coiffé d’un mortier et avec le collier de l’ordre de Saint-Michel. L’une est sans revers, l’autre représente la Charité appuyée contre une colonne et avec un chien couché à ses pieds ; la Charité s’entr’ouvre le sein. Il est fort probable que cette médaille a été également frappée en Italie, mais on ignore à quelle occasion. Une dernière médaille nous montre l’effigie de Charles VIII, coiffé cette fois d’un mortier à dents de couronne. La chevelure est plus libre et tombe moins carrément ; la figure, à laquelle l’énorme nez de polichinelle du prince donne toujours une singulière expression, semble sourire. Au revers