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les renseignemens les plus utiles et les plus curieux. Nous lui devons cette complète intelligence de l’antiquité qui distingue notre époque : c’est elle qui, tout en répandant les plus vives lumières sur les points douteux de leur histoire, nous initie aux mystères de la vie privée des peuples anciens et nous permet de rétablir en quelque sorte l’arbre généalogique des races royales et des grandes familles patriciennes.

À une époque où l’imprimerie n’avait pas encore été inventée, la gravure en médailles la supplée en partie et souvent même la remplace avec avantage. À côté de la lettre ou légende, les monnaies et les médailles nous présentent en effet la figure ; les deux modes de représentation, l’abstrait et le positif, se complètent de la sorte l’un par l’autre et se prêtent une mutuelle assistance. La connaissance des médailles est donc indispensable pour arriver à la connaissance parfaite de l’histoire des divers peuples qui ont brillé sur la terre ; elle est de plus le complément nécessaire de l’étude des beaux-arts, sur lesquels, par la reproduction même des monumens les plus célèbres, comme l’Hercule Farnèse, la Vénus de Gnide, l’Hercule musagète, elle nous donne les plus précieux renseignemens. Envisagées sous ce dernier aspect, les médailles sont en elles-mêmes autant de monumens du plus haut intérêt ; elles nous indiquent, aussi parfaitement que les statues et les pierres gravées, les styles particuliers à chaque époque et leurs modifications, nous montrant l’art à son enfance, le suivant dans ses développemens les plus splendides, et se dégradant avec lui pour arriver à ce point extrême de la décadence où il cesse d’exister.

Il est assez singulier que l’antiquité ne nous ait laissé aucune espèce de renseignemens sur les graveurs célèbres qui ont produit tant de chefs-d’œuvre, et ne fasse mention d’aucun d’eux. Il est étonnant, d’autre part, qu’aucun graveur de médailles, soit grec, soit romain, n’ait inscrit son nom sur son œuvre, comme les graveurs sur pierres fines ou dactylioglyphes avaient coutume de le faire. On ne peut adresser le même reproche à nos artistes, et il sera facile pour la postérité, au moyen de ces monumens, de suivre l’histoire de l’art contemporain et d’établir la liste la plus exacte des graveurs en médailles. Cet usage d’inscrire le nom sur l’œuvre date, du reste, pour la gravure en médailles, d’une époque de profonde décadence, des artistes monétaires de Clovis et de Dagobert, qui s’appelaient Doccius et Eligius.

L’art de la gravure en médailles a traversé en France plusieurs périodes qui correspondent assez exactement aux époques diverses de notre histoire. Ce rapport qui existe entre la gravure en médailles et les diverses transformations de la société française, en nous offrant l’occasion d’apprécier l’importance d’un art trop négligé, nous amène à en décrire les principaux monumens. C’est à l’aide de quelques collections trop rares que ce travail a pu être entrepris, et peut-être appellera-t-il l’attention du public sur des chefs-d’œuvre connus seulement d’un petit nombre d’érudits. Un tel résultat suffirait du moins à notre ambition.


I

Lors de la conquête romaine, les Gaulois avaient leurs monnaies d’or et d’argent et leurs médailles ; ils avaient renoncé depuis longues années aux monnaies