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Nous avons indiqué maintes fois le résultat immédiat de la réception de Kossuth aux États-Unis ; nous avons dit que cette réception avait eu pour effet de porter le dernier coup à la vieille politique de non-intervention, à la politique traditionnelle de Washington et de Franklin, si ébranlée déjà sous la présidence de Jackson et sous la présidence de M. Polk. Nous ne reviendrons pas sur ce sujet ; mais cette réception a eu un autre résultat, celui de faire perdre son temps au congrès américain. Depuis bientôt quatre mois, les séances des deux chambres se passent en discussions stériles et oiseuses sur la liberté et la tyrannie, l’intervention et la non-intervention, la monarchie et la démocratie, Washington et Kossuth, discussions qui ne profitent en rien aux États-Unis, mais qui plus tard porteront leurs fruits, qui arrêtent la marche des affaires publiques et ne sont utiles à personne, si ce n’est aux candidats à la présidence, qui, comme le général Cass, se servent de ces questions pour faire une indirecte profession de foi et d’indirectes promesses à leur parti. La session s’écoule cependant, et jusqu’à présent les résultats en sont minces. Et ce n’est pas seulement le congrès qui perd ainsi son temps ; à son exemple, les législatures des états particuliers votent des résolutions pour fêter la bienvenue à Kossuth, ou pour engager le gouvernement à solliciter auprès des puissances européennes le pardon des exilés, ou enfin pour l’engager à intervenir dans tous les conflits qui pourront s’élever entre les peuples et leurs gouvernemens. Les législatures de New-York, de l’Ohio, du Massachusetts, de la Pensylvanie, ont voté des résolutions dans ce sens et les ont envoyées au congrès, qui, déjà fatigué de ses propres discussions sur ce sujet, s’est impatienté, et a tout récemment refusé d’examiner les résolutions envoyées par la législature de l’Ohio. Le gouvernement lui-même voit son temps absorbé par les députations et les adresses sans fin des proscrits hongrois et irlandais. Lorsque ces discussions stériles laissent quelques loisirs aux législateurs du congrès, ils emploient ce temps précieux en intermèdes singuliers dont plusieurs fois ils avaient donné le spectacle, mais qui se sont multipliés à l’infini dans ces derniers mois : nous voulons parler des rixes et des luttes personnelles qui deviennent habituelles au congrès. De compte fait, en quelques semaines, le sénat ou la chambre des représentans on offert ce spectacle six ou sept fois. Les Américains sont susceptibles à l’endroit de leurs institutions et de leur pays ; mais, au risque de blesser cette susceptibilité, nous devons leur déclarer que le spectacle de telles mœurs parlementaires commence à devenir scandaleux, et qu’il n’est pas un bon moyen de propagande auprès des gouvernemens et des hommes éclairés du vieux continent.

Cependant, en dépit de ces discussions stériles et de ces rixes barbares, les États-Unis marchent toujours. Un fait de la plus haute importance est sur le point de s’accomplir : nous voulons parler de l’expédition du Japon qui se prépare. Le commodore Perry est chargé officiellement d’aller faire une revue hydrographique des côtes du Japon et de l’archipel des Indes orientales ; en réalité, il est envoyé pour ouvrir les premières brèches et faire les premières tentatives de conquête. Les Japonais ont maltraité quelques matelots américains ; le gouvernement japonais devra donner satisfaction aux réclamations du gouvernement américain, sinon, on le déclare hautement, il sera traité comme il le mérite. Le commandant de l’expédition américaine engagera le gouvernement japonais à. faire alliance avec le gouvernement de Washington et à ouvrir