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encore plus que de ses ambitions, — c’est d’avoir ravivé dans les esprits les émotions religieuses. Jamais plus que depuis quelques années la foule ne s’est pressée dans les églises à ces époques de mystérieux recueillement chrétien, et ce n’est point telle fraction de la population, telle classe sociale en particulier : c’est l’ancien président du conseil à côté du plus obscur manœuvre ; ce sont les esprits les plus élevés à côté des intelligences ignorantes et vulgaires. Quand ce sentiment éclate à un certain degré dans le cours des révolutions comme le fruit des efforts humains trompés, des rêves déçus, des poursuites vaines, n’est-il point encore un des élémens de notre situation politique ? Cette halte d’une semaine n’a-t-elle point sa signification dans l’ordre général des choses ?

Aujourd’hui, le corps législatif reprend ses travaux. Sera-ce avec plus d’assurance et d’activité ? Une des premières questions dont il ait été saisi, c’est celle de la refonte des monnaies, qui, sous une apparence vulgaire et pratique, cache un sens très politique. Ce n’est rien moins que la popularisation d’un régime, l’effigie d’un gouvernement descendant dans les masses sous la forme de la monnaie la plus usuelle, celle du billon. Le peuple, hélas ! a plus de sous, que de pièces d’or et d’argent. Aussi ne saurait-on méconnaître ce qu’il peut y avoir d’habileté pour un gouvernement à se faire ainsi frapper à cette familière effigie. Parmi les projets de divers genres qui semblent devoir être soumis au corps législatif, peuvent compter le budget en première ligne, quelques dispositions sur l’organisation départementale et communale, une loi sur l’enseignement. Le gouvernement lui-même fait pressentir la proposition de cette dernière loi dans un récent décret, qui formule tout un nouveau programme d’études. On sait déjà les modifications sérieuses qui ont été introduites dans l’organisation de l’enseignement supérieur. L’économie du nouveau décret, qui s’applique spécialement à l’instruction secondaire, peut se résumer en quelques mots. Elle est fondée sur la distinction radicale, sur la séparation absolue des études scientifiques et des études littéraires et historiques. Les enfans, après un premier cours élémentaire, devront faire choix du genre d’instruction auquel ils veulent se livrer. La création de deux divisions distinctes dans les lycées répond à cette combinaison, et les deux ordres d’études sont couronnés par un cours commun, non de philosophie, mais de logique portant sur les méthodes et les procédés de l’esprit humain. Il est facile d’apercevoir l’importance des changemens opérés dans la distribution de l’enseignement public par le nouveau décret ; la pratique seule sans doute peut en faire mesurer la portée. Seulement ce serait une étrange illusion de se figurer que tout ce qu’on enlève à l’étude des lettres devra profiter à l’étude des sciences, et que ce qu’on ôte à l’étude des sciences tournera nécessairement à l’avantage de l’étude des lettres. C’est raisonner comme si l’instruction publique n’avait pour but que de former des savans, des écrivains, des artistes, des industriels, tandis qu’elle est destinée au contraire, avant tout, à former des hommes en développant l’ensemble de leurs facultés ; voilà pourquoi elle combine une assez grande variété de connaissances. — Que cette variété d’études ait parfois de tristes résultats, qu’elle fasse trop souvent des esprits légers, superficiels et ambitieux, cela est vrai : c’est justement le mal auquel il faut trouver un remède ; mais il n’y aurait pas un moindre inconvénient à scinder les facultés