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l’accusateur prend la peine d’avertir qu’il change les dates indiquées dans la vente de M. Libri, et qu’il a des motifs pour le faire, car ces dates avaient été falsifiées par la malice du voleur. M. Libri a beau mettre en vente une lettre de Rubens du 30 mai 1625, on lui prouve qu’elle ne peut être que de 1627, attendu qu’il y est question du siège de la Rochelle, lequel ne commença qu’en 1627, selon l’acte d’accusation. Nous supplions l’auteur de vouloir bien consulter Cl. Malingre, historiographe de France, au cinquième tome de l’Histoire de notre temps ès années 1624, 25 et 26 ; Paris, 1626, in-8o, page 972, où, à l’année 1625, il raconte des mouvemens de troupes autour de La Rochelle « De sorte, dit-il, qu’avec ces troupes La Rochelle est tout investie par terre, et la mer empeschée et tenue par les vaisseaux du roy. »

C’est, monsieur, une chose fort utile que de connaître ses auteurs ; cela vous empêche de prendre une citation pour les remarques mêmes de celui qui cite, comme il est arrivé malheureusement à l’auteur de l’acte d’accusation, Il croit avoir pris M. Libri sur le fait en découvrant dans ses papiers une note relative aux manuscrits de Peiresc, à Carpentras, ainsi conçue : « Il y a quatre-vingt-six volumes, tous en bon état, si l’on en excepte deux ou trois auxquels il manque quelques feuillets. » Cette note est du 18 janvier 1841, et l’on prétend qu’elle constate l’état de ces manuscrits lors de la visite de M. Libri à la bibliothèque de Carpentras. Mais si par hasard c’était une citation tirée du Magasin encyclopédique de Millin, tome 2 de 1797, p. 503, on ne pourrait pas plus en tirer une induction sur l’état des manuscrits de Peiresc en 1841, que de l’apostille Sine ira et studio que je me suis permis d’écrire en marge de mon exemplaire de l’acte d’accusation.

Si vous tenez, monsieur, à être édifié sur les vols d’autographes, lisez la lettre de M. Libri au président de l’Institut[1] ; il me semble qu’il n’y a pas un mot à y ajouter. Hélas ! même je trouve qu’il se défend trop bien et toujours à sa manière ; voyant des ennemis partout, il frappe à tort et à travers et s’en fait de nouveaux. Aux calomnies accumulées contre lui, il répond par des faits précis et incontestables qui prouvent la négligence avec laquelle, pendant fort long-temps, on a conservé en France les collections publiques. Je lui passe de se moquer de ses accusateurs, qui prennent un abbé Bignon pour un secrétaire de l’Académie des sciences et qui croient que l’Institut, fondé par la convention, a un sceau avec l’emblème de Louis XIV. Ces petites méprises vous feront rire ; mais ce qui vous affligera comme moi, c’est de lire, après ces épigrammes, une lettre de l’illustre Mlle Germain qui, sur l’autorité de Fourier, assure « que les lettres des plus

  1. Sur le pillage et la dispersion de nos collections publiques, on peut également consulter les brochures publiées, à l’occasion du procès de M. Libri, par MM. P. Lacroix, Jubinal, Lepelle, G. Brunet, etc.