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à d’autres pièces rares. La curiosité de voir un livre vénérable fit, qu’on se mit en quête de cet in-folio, et grande fut la surprise quand au lieu d’un in-folio on trouva un troisième in-4o, bien moins précieux, il est vrai, mais revêtu de toutes les estampilles voulues. Il était évident qu’une substitution avait eu lieu, qu’on avait enlevé l’in-folio très rare, pour le remplacer par un in-4o qui l’était moins, de plus que l’échange avait été fait par une personne disposant des estampilles. Sur quoi on se rappela qu’il y a quelques années, un journal imprimait ce mot d’un des honorables conservateurs de la Mazarine, à propos d’un vol de livres : Les voleurs sont dans la bibliothèque. Leprince, inspecteur de la librairie et de la Bibliothèque du roi, dans son essai historique sur cet établissement, disait en 1782 que « la Mazarine avait été mise au pillage, et que les livres les plus rares en avaient été en partie perdus ou détournés. » Il ajoutait « qu’il existait à la Bibliothèque du roi une espèce de procès-verbal contenant les noms de ceux qui les ont volés, avec le détail des manœuvres qu’ils employaient pour y parvenir. » M. Petit-Radel n’a pu retrouver ce curieux procès-verbal, et c’est grand dommage. Au reste, Leprince et le conservateur dont je parlais tout à l’heure se sont peut-être trompés : au lieu de vol, j’aimerais à croire qu’il y a eu négligence seulement. On est fondé à le supposer en voyant sur les catalogues certains articles bâtonnés d’une encre jaunie, probablement très ancienne, sans aucune explication. D’autres articles sont accompagnés de cette note laconique manque. Quelques autres indiquent qu’on a pris des mesures pour rechercher les volumes perdus ; ainsi, au n° 11,362 du catalogue par ordre de matières, on lit à la marge : Perdu et payé par M. de Vermond, et plus bas retrouvé. L’argent fut-il rendu ? c’est ce qui n’est pas dit. Un M. Desmarais était un grand perdeur, mais on avait pour lui des égards qu’on n’avait pas pour M. de Vermond. Au n° 21,733 on voit cette note : Perdu par M. Desmarais. Racheté compte de 1766. Il paraît qu’autrefois la Mazarine a vendu ou échangé quantité de livres. M. de Villenave en avait obtenu bon nombre de cette façon. À la mort de M. Petit-Radel, beaucoup de livres portant l’estampille de la Mazarine se sont trouvés mêlés à sa collection et achetés en bloc par le libraire Raulin, qui les vendit. M. Libri en a acheté alors quelques-uns dont l’estampille n’était pas effacée, qu’il rendit à la Mazarine : M. de Sacy n’a pas perdu le souvenir de ce fait, trop rare d’ailleurs dans les annales de la bibliographie pour qu’il soit facilement oublié.

Une chose que ne savent pas les gens du monde et même un grand nombre d’amateurs, c’est que nos collections publiques ont été anciennement et à plusieurs reprises littéralement mises à sac. On peut lire à ce sujet dans Haenel et dans Dibdin les révélations les plus curieuses et les plus tristes. Dibdin dit par exemple qu’à Rouen la bibliothèque, qui