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hommes). On supposait qu’elles provenaient de matières ténues, enlevées par les ouragans jusque dans la région des nuages, où la chaleur les amollissait et en favorisait la réunion instantanée en une masse solide. Cette opinion, plus ou moins modifiée dans la suite par la découverte de Francklin sur l’électricité atmosphérique, a été long-temps considérée comme satisfaisante au sein de l’ancienne Académie des sciences.

En possession d’une explication que l’on croyait bonne, on négligeait de faire constater les chutes successives. Il faut arriver jusqu’à l’année 1751 pour avoir une description de ce merveilleux phénomène, rédigée par procès-verbal authentique. « Le 26 mai 1751, à six heures du soir, dans les environs de Hradschina, près d’Agram, en Esclavonie, on aperçut dans le ciel un globe de feu qui se divisa en deux fragmens semblables à des chaînes de feu entrelacées, où l’on aperçut une fumée d’abord noire et ensuite diversement colorée, et qui tombèrent avec un bruit épouvantable et avec une telle force, que l’ébranlement fut pareil à celui d’un tremblement de terre. L’un de ces fragmens, qui pesait 71 livres, tomba dans un champ labouré peu de temps auparavant, où il s’enfonça de trois toises dans la terre et occasionna une fente de 2 pieds de large. L’autre de ces morceaux, du poids de 16 livres, tomba dans une prairie, à une distance de 200 pas du premier, et donna lieu à une autre fente large de 4 pieds. » L’attention ainsi éveillée, on eut de tous les côtés des récits authentiques ; enfin, ce qui vint clore toute discussion, ce qui élimina complètement la formation atmosphérique et fulminale, ce fut la chute du 26 avril 1803. M. Biot, envoyé sur les lieux par l’Académie des sciences, s’exprime ainsi dans ses conclusions : « Vers une heure après midi, le temps étant serein, on aperçut de Caen, de Pont-Audemer, et des environs d’Alençon, de Falaise et de Verneuil, un globe enflammé, d’un éclat très brillant, et qui se mouvait dans l’atmosphère avec beaucoup de rapidité. Quelques instans après, on entendit à L’Aigle, et autour de cette ville, dans un arrondissement de plus de trente lieues de rayon, une explosion violente qui dura de cinq à six minutes. Ce bruit partait d’un petit nuage qui avait la forme d’un rectangle. La plus grande de toutes les pierres que l’on a trouvées pesait 8 kilogrammes 5 dixièmes. Le nombre des pierres tombées peut être évalué à deux ou trois mille. » M. Biot recueillit les témoignages d’un très grand nombre de personnes, qui toutes avaient entendu la détonation, et dont beaucoup avaient vu tomber les pierres. Ces pierres, en tombant, s’enfonçaient plus ou moins dans la terre, étaient très chaudes, et répandaient une odeur de soufra insupportable.

Le très curieux rapport de M. Biot est le seul exemple que nous possédions jusqu’à ce jour d’une enquête véritablement scientifique