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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mars 1852.

Voici déjà quatre années bien comptées qu’en un jour de fatalité singulière des bandes forcenées pénétraient en victorieuses au sein de ce vieux palais des Tuileries : elles s’y installaient au nom de la révolution du jour, faisant du trône même l’escabeau de leur tumultueuse puissance, outrageant les souvenirs, profanant les mystères de la vie privée, pendant qu’à l’autre bout de Paris on proclamait la république une et indivisible. On en dira ce qu’on voudra, c’est un embarras qu’une maison de ce genre dans une république démocratique ; on lui cherche mille destinations sans se rendre à la véritable, qui est justement celle dont on ne veut pas. Dès les premiers jours, on imagina d’y loger le souverain, le véritable souverain d’alors, ce qu’on nomma « les invalides du travail. » L’idée ne fit point fortune. Plus tard, ceux que stimulaient les souvenirs de la convention songeaient encore à en faire l’asile de l’assemblée nationale ; mais le vent avait déjà changé. Ce qu’on sut faire de mieux en fin de compte, ce fut de laisser les Tuileries à elles-mêmes, — sorte d’en-cas des transformations possibles de la puissance publique, maison vide, toute chaude encore de ses illustres hôtes de la veille, et attendant les hôtes inconnus de l’avenir. Tout au plus y logea-t-on le chef de l’armée de Paris, comme par une secrète ironie des événemens, comme par un aveu involontaire de cette vérité que, dans les révolutions, le réel et unique souverain, c’est la force. Ce vieux palais pourrait en dire beaucoup, s’il était interrogé ; il pourrait donner des enseignemens austères et utiles ; il porte la marque de bien des dates de notre histoire : 20 juin et 10 août 1792, 9 thermidor, nuit du 20 mars 1815, 29 juillet 1830, 24 février 1848 ! La plus récente page de cette histoire des Tuileries, qui est aussi la nôtre, est de lundi dernier. Le mouvement y renaissait, non le mouvement d’une fête, mais celui qui entoure un des actes solennels de la vie publique. C’était comme autrefois, plus qu’autrefois même, — il faut bien en convenir. Sous la monarchie en effet, on s’en souvient, le souverain se rendait au sein de la représentation nationale pour inaugurer les travaux des