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des recherches dangereuses pour la paix, et peut-être une dissolution : immédiate de l’empire, fut que le roi était mort d’apoplexie ; que, sujet à des saignemens de nez, il avait été surpris par une hémorrhagie couché sur le dos, et que le sang, ne trouvant pas son passage habituel au dehors, s’était amassé dans sa gorge et l’avait étouffé. Voici ce que les enfans d’Attila, les chefs et les grands de la cour répandirent en tout lieu par prudence, par politique, par orgueil, et ce qui devint le récit avoué et officiel de sa fin.

Les funérailles de ce potentat du monde barbare furent célébrées avec une pompe sauvage digne de sa vie. Une tente de soie dressée dans une grande plaine, aux portes de la bourgade royale, reçut son cadavre, qui fut déposé sur un lit magnifique, et des cavaliers d’élite, choisis avec soin dans toute la nation, formèrent alentour des courses et des jeux comparables aux combats simulés des cirques romains. En même temps les poètes et les guerriers entonnèrent dans la langue des lions un chant funèbre que la tradition gothique conservait encore au temps de Jornandès, et que nous reproduirons tel que cet historien nous l’a laissé. « Le plus grand roi des Huns, y était-il dit, Attila, fils de Moundzoukh, souverain des plus vaillans peuples, posséda seul, par l’effet d’une puissance inouie avant lui, les royaumes de Scythie et de Germanie. Il épouvanta par la prise de nombreuses cités l’un et l’autre empire de la ville de Rome : comme on redoutait qu’il n’ajoutât le reste à sa proie, il se laissa apaiser par les prières et reçut un tribut annuel. Et après avoir fait toutes ces choses, par une singulière faveur de la fortune, il mourut, non sous les coups de l’ennemi ni par la trahison des siens, mais dans la joie des fêtes, au sein de sa nation intacte, sans éprouver la moindre douleur. Qui donc racontera cette mort, pour laquelle personne ne trouve de vengeance ? » L’armée, rangée en cercle autour de la tente, répétait ce chœur avec des hurlemens lamentables. Aux marques de douleur succéda ce que les Huns appelaient une strava, c’est-à-dire un repas funèbre où l’on but et mangea avec excès, car c’était la coutume de ce peuple de mêler la débauche à la tristesse des funérailles. On s’occupa ensuite d’ensevelir le roi. Son cadavre fut enfermé successivement dans trois cercueils : le premier d’or, le second d’argent, et le troisième de fer, pour signifier que ce puissant monarque avait tout possédé : le fer, par lequel il domptait les autres nations ; l’or et l’argent, par lesquels il avait enrichi la sienne. On choisit l’obscurité de la nuit pour le couher à la terre, et l’on plaça à ses côtés des armes prises sur un ennemi mort, des carquois couverts de pierreries et des meubles précieux dignes d’un pareil roi ; puis, afin de dérober tant de trésors à l’avidité ou à la curiosité humaine, les Huns égorgèrent les ouvriers qu’ils avaient employés à creuser la fosse ou à la combler. Les signes prophétiques