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80 millions des classes à qui l’économie serait le plus nécessaire (tel est à peu près leur contingent dans les impôts sur les diverses boissons), la loi leur fait débourser 200 millions pour frais qui ne profitent à personne, sans compter le gain légitime des aubergistes, cafetiers et cabaretiers.

Ce simple exposé met à nu les vices de l’impôt. À part l’inégalité de la répartition, sur laquelle nous ne voulons pas insister, il est évident qu’un tel arrangement de taxes comprime l’essor de la production. Les industries qui prospèrent sont celles qui parviennent à généraliser l’usage de leurs produits. Les perfectionnemens successifs de la fabrication ont surtout pour but l’abaissement du prix, afin d’augmenter le nombre des tributaires. Le contraire a lieu dans l’industrie viticole. Les marchandises qu’elle destine aux petits consommateurs, étant spécialement grevées par l’impôt, sont tellement enchéries, qu’il n’y a plus moyen d’élargir la clientelle, ou que, si on y parvient, c’est par l’altération des qualités, ou en vendant à perte. Si les vins, modérément imposés, circulaient en toute liberté comme les grains et les étoffes, il en résulterait un mouvement commercial d’une richesse incalculable. Que voyons-nous au contraire ? — Les propriétaires de vignobles, au nombre de deux millions, irrités de l’avilissement de leurs produits, tandis -que des millions de familles ouvrières déplorent l’élévation factice des prix, qui les empêche de consommer.

L’impôt sur les boissons, tel qu’il est établi en France, occasionne donc un malaise réel : c’est une plaie que tous les gouvernemens ressentent à leur origine, et à laquelle ils portent la main. Les innovations introduites parle décret du 17 mars avaient été préparées en grande partie par la commission d’enquête formée au sein de l’assemblée législative. Elles se résument ainsi : le droit dont jouissent les producteurs de faire circuler leurs vins en franchise dans les limites de l’arrondissement est restreint à la sphère du canton. — La limite de la vente en gros est abaissée de 100 litres à 25 litres seulement. — On réduit à moitié le droit d’entrée dans certaines villes. — Le droit de détail est élevé de moitié, c’est-à-dire porté de 10 à 15 pour 100.- Les réformes précédentes entraînent une réduction dans les taxes d’octroi.

Abandon est fait par le trésor du dixième qu’il prélève sur le produit de l’octroi.

Il faut que nos lecteurs se résignent à l’aridité des détails techniques, s’ils veulent apprécier avec exactitude la portée de ces réformes.

Réduction du privilège des producteurs.- Le droit de circulation est le ressort essentiel du système. Peu productif par lui-même, il permet au fisc de suivre tous les mouvemens de la matière imposable et de réaliser successivement les autres droits. Tout déplacement de vins