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recette et en dépense, il en résulte que les totaux des budgets sont grossis démesurément. Or, comme les chiffres inscrits au bas des colonnes sont, pour les yeux inexercés, les chiffres de l’impôt, le public est conduit à se faire une idée très exagérée des charges supportées par les contribuables.

Ce danger avait été signalé plus d’une fois par les financiers, et en ces derniers temps, le rapporteur ordinaire du budget des recettes, M. Gouin, avait pris à tâche d’éclairer l’opinion publique sur ce point. À chacun de ses rapports étaient ajoutés des commentaires et des tableaux explicatifs, destinés à dégager du total apparent des recettes et des dépenses les sommes utilisées pour les besoins généraux de l’état. Aujourd’hui, M. le ministre des finances va plus loin : il fait entrer cette classification dans le cadre officiel des budgets. Les tableaux de recettes et de dépenses présentent deux colonnes, l’une pour les opérations effectives, l’autre pour les opérations d’ordre et de simple comptabilité.

Cette contexture nouvelle du budget n’est peut-être pas sans inconvéniens. Les hommes spéciaux ne sont pas d’accord sur le classement des opérations ; ce qui est pour l’un une recette ou une dépense normale n’est pour l’autre qu’un virement de comptabilité. Par exemple, l’énorme somme de 152 millions pour frais de régie et pour perception des revenus publics figurait parmi les fonds de l’état, dans le dernier rapport préparé par la commission financière de l’assemblée législative : elle est inscrite seulement pour ordre dans le nouveau budget. Le fonds des remboursemens, qui excède 80 millions, se décompose en deux parts : l’une de 56 millions, produits des centimes communaux, est restituée aux communes ; l’autre, de 26 millions, est répartie sous forme de dégrèvement pour non-valeurs et de prime commerciales. Or, avec M. Gouin, cette dernière somme est dépense de l’état, et l’autre est dépense d’ordre ; dans le nouveau budget, le classement est en sens inverse. Ce ne sont pas là les seules variantes qui ressortent de la comparaison des deux documens. En définitive, ces appréciations diverses, ne changeant pas le fond des choses, ne sont pour les contribuables que d’une importance très secondaire. Il est permis de craindre seulement qu’en substituant au cadre traditionnel un classement plus ou moins arbitraire, on ne déroute le petit nombre de ceux qui connaissent le mécanisme de l’ancienne comptabilité, sans vulgariser des notions plus saines parmi cette multitude qui est d’une ignorance radicale en matière de finances.

Conformément à la classification adoptée par le ministre, le budget de 1852 se résume ainsi :