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pour successeur un des généraux investis d’un commandement dans les provinces. Les journaux commencent à reparaître. Dans l’ensemble du pays, toute l’attention semble se porter exclusivement vers les chemins de fer, dont la confection est devenue la préoccupation et l’affaire du moment. Faut-il conclure de ce calme politique actuel que le gouvernement ne conserve aucune intention de porter quelques changemens dans les institutions de l’Espagne ? Dans tous les cas, ces modifications ne semblent devoir s’opérer aujourd’hui qu’avec le concours des cortès. Les chambres, qui ne sont aujourd’hui que suspendues, vont être probablement dissoutes, et un nouveau parlement sera appelé à prononcer sur les questions politiques qui ont pu préoccuper l’attention publique dans ces derniers temps. Tandis que les institutions constitutionnelles modernes ont à subir de si étranges variations, récemment, dans un coin de l’Espagne, dans les provinces basques, on pouvait voir fonctionner des institutions libres qui datent de quelques siècles, et auxquelles il n’a été presque rien changé. Les provinces basques, on le sait, ont conservé leurs fueros, qui leur font une sorte d’indépendance au sein même de l’Espagne. Elles ne sont point sujettes à la conscription, et leur portion de contributions générales est remplacée par un don volontaire au gouvernement de Madrid. Elles ont une organisation à part., Tous les deux ans encore, sous le chêne séculaire de Guernica, dans le Guipuzcoa, les délégués des communes se réunissent pour nommer les autorités et délibérer sur les intérêts publics ; c’est cette réunion qui avait lieu il y a quelques jours, et qui présentait ce spectacle curieux d’un petit peuple se gouvernant le plus démocratiquement du monde sans révolution. Le traité de Vergara, en 1839, avait reconnu les fueros des provinces, mais à la condition d’être mis en harmonie avec la constitution, ce qui était à peu près poser le problème de la quadrature du cercle. Le gouvernement de Madrid paraît s’occuper aujourd’hui de résoudre ce problème ; mais il le fait de concert avec les délégués du pays basque. La question a été posée dans la récente réunion de Guernica ; toute secondaire qu’elle paraisse, cette question a assurément son importance pour l’Espagne, et elle ne laisse point d’avoir ses difficultés, qui tiennent surtout au profond attachement des Basques pour leurs fueros.

Dans l’autre partie de la Péninsule, en Portugal, la reine doña Maria vient de rentrer à Lisbonne, après avoir parcouru les provinces du nord. Elle a été très sympathiquement accueillie par les populations, et cela démontre bien, après tout, ce qui reste encore d’instinct monarchique dans ce petit pays, bouleversé par toutes les révolutions et toutes les ambitions. La reine, on le sait, en Portugal, n’exerce point un grand ascendant politique ; c’est entre les mains du maréchal Saldanha qu’est le pouvoir réel. Or le dictateur portugais ne laisse point d’être embarrassé aujourd’hui, Il a à gouverner en face d’une chambre élue sous l’empire de la loi électorale la plus large du monde, et où domine l’élément démocratique à l’aide duquel il s’est emparé du pouvoir. Toute la question pour le maréchal maintenant semble être de savoir comment il se débarrassera de cet élément révolutionnaire, qui en est venu à être une menace sérieuse pour lui-même. Aussi est-il fort probable que les chambres portugaises ne tarderont point à être dissoutes, et que les nouvelles cortès ne seront point élues d’après la loi actuellement en vigueur. Ce serait, comme on voit, l’indice d’une tendance de Saldanha à se rapprocher du parti conservateur