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le respect et l’étude des productions de l’ancienne école ; de l’autre, on a fait d’œuvres qui, malgré leur incontestable valeur, ne sont au fond que des œuvres secondaires, le titre de gloire principal de la peinture française au XIXe siècle.

Il y a d’ailleurs une exagération véritable à donner aux progrès récemment accomplis le caractère d’une révolution inopinée. Si l’on recherche dans l’histoire du paysage en France les lois qui l’avaient régi jusqu’ici, on verra que cette révolution était dès long-temps préparée. Le réalisme, nous l’avons dit, est une doctrine nouvelle dans notre école, en ce sens qu’elle ne s’y était jamais produite ni d’une manière si générale, ni sous des formes si absolues ; pourtant, en y regardant de près, on pourrait lui reconnaître pour origine la réforme opérée par Joseph Vernet au XVIIIe siècle et rattacher la manière des paysagistes du XIXe au système qu’inaugurait, il y a cent ans, cet éminent artiste système d’imitation plutôt que d’interprétation de la nature, et sous l’empire duquel les figures n’eurent plus qu’un sens accessoire, une intention subordonnée à l’intention générale de la scène. Jusqu’à l’époque où parut Joseph Vernet, la méthode contraire avait été suivie. On s’était habitué à considérer l’art du paysage comme un moyen de mettre en relief les actions des hommes, et les sites choisis ou imaginés par les peintres ne servaient d’abord que de prétexte et d’encadrement à des faits historiques, à des sujets tirés de la Bible ou de l’antiquité profane. Poussin, Guaspre Dughet, Francisque Millet et le plus souvent Claude Lorrain lui-même ne comprenaient pas autrement les conditions du genre ; ils le traitaient, à l’exemple des maîtres italiens, dans un style conforme au caractère des héros qu’ils voulaient représenter et cherchaient ainsi à donner au moindre de leurs tableaux la portée et l’ampleur d’une majestueuse épopée. Pendant tout le XVIIIe siècle, l’art du paysage fut envisagé en France à ce seul point de vue. Quelques paysagistes étrangers, comme Fouquières et Van der Meulen, avaient, il est vrai, essayé de faire prédominer un élément nouveau et de substituer dans notre école le goût de l’exactitude matérielle au culte de l’idéal ; mais leurs exemples étaient demeurés sans imitateurs, et le style français n’avait été nullement influencé par cette importation accidentelle de la manière flamande. C’est donc à une autre cause qu’il convient d’attribuer la réaction contre les doctrines académiques qui se révèle dans les œuvres produites vers la fin du règne de Louis XIV et qui devait bientôt avoir pour résultat une transformation complète du paysage en France.

On ne connaît plus guère aujourd’hui parmi les peintres de cette époque que ceux dont le pinceau a décoré les murs des églises ou des palais : ils sont loin cependant de résumer à eux seuls l’école contemporaine. En dehors des peintres d’allégories et d’apothéoses, en dehors