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dernière affaire après des prodiges de valeur. Il fut pleuré par le duc d’Enghien et par tous ses camarades. On lui fit de magnifiques funérailles, et un des poètes de Richelieu, Desmarets, lui consacra une longue élégie[1]. Son jeune frère finit encore plus tristement : il fut assassiné, sans qu’on sache en quelles circonstances[2].

Quant aux deux soeurs, leur éloge est partout dans les poésies galantes de cette époque. On les vante, à l’égal de Mlle de Boutteville et de Mlle de Bourbon, dans une pièce du recueil manuscrit de Maurepas[3], et Voiture les met dans une revue des beautés de la cour de Chantilly adressée à Mme la Princesse. Il se plaît à célébrer la mère et les deux filles, et particulièrement la jeune du Vigean :

Baronne, pleine de douceur,
Êtes-vous mère, êtes-vous sœur
De ces deux belles si gentilles
Qu’on dit vos filles ?

Sur son visage (de Fors de Vigean, la sœur aînée) et sur ses pas
Naissent des fleurs et des appas
Qu’ailleurs on ne voit point éclore, etc.

Vigean (la plus jeune) est un soleil naissant,
Un bouton s’épanouissant, etc.

Sans sçavoir ce que c’est qu’amour,
Ses beaux yeux le mettent au jour,
Et partout elle le fait naître
Sans le connaître.

Voici encore quelques mots de Voiture jusqu’ici inintelligibles et qui maintenant ont une application certaine :

Notre Aurore de La Barre
Est maintenant un soleil.

Cette beauté souveraine
A rallumé mes vieux ans, etc.

évidemment le poète veut parler de Mlle du Vigean la cadette, qui, après avoir été un soleil naissant, une aurore, était devenue en quelques années un soleil même, et elle est appelée l’Aurore de La Barre, du nom de la maison de plaisance dont elle était le plus aimable ornement.

En écrivant tous ces vers en l’honneur de Mlles du Vigean, Voiture

  1. Desmarets, Œuvres poétiques, in-4o, 1641, p. 18-21.
  2. C’est au moins ce que nous dit Mme de Longueville dans une lettre à Mme de Sablé, qui n’est pas datée, mais qui peut être de 1662. Lettres de madame de Longueville à madame de Sablé. Bibliothèque, nationale, Supplément français, 3029, 2 et 3.
  3. T. II, fol. 301.