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Nous qui prétendions en tous lieux
Estre incessamment admirées,
Et que ; par un trait de nos yeux,
Nous serions partout adorées…

Tout notre empire, a disparu ;
Tout nous fuit ou nous fait la mine ;
A peine estions-nous à Méru,
Qu’il fallut fuir à La Versine.

Là, cette peste des beautés,
Là, cette mort des plus doux charmes,
Pour rabattre nos vanités,
Nous donna de rudes alarmes.

Au bruit de ce mal dangereux,
Chacun fuit et trousse bagage ;
Car adieu tous les amoureux,
Si nos beautés faisoyent naufrage !

Pour sauver les traits de l’amour
En lieu digne de son empire,
Nous arrivons à Liancourt,
Où règne Flore avec Zéphire,

Où cent promenoirs étendus,
Cent fontaines et cent cascades,
Cent prez, cent canaux épandus,
Sont les doux plaisirs des nayades.

Nous pensions dans un si beau lieu
Faire une assez longue demeure,
Mais voicy venir Richelieu[1],
Il en faut partir tout à l’heure.

Voilà celles que les mourants[2]
Nommoyent les astres de la France ;
Mais ce sont des astres errants,
Et qui n’ont guère de puissance.

Ce qu’il y a de plus curieux et de plus inattendu, c’est que la manie de rimer gagna Condé lui-même. Comme nous l’avons dit, il avait beaucoup d’esprit et de gaieté, et il faisait très volontiers la partie des beaux esprits qui l’entouraient. Au milieu de la Fronde, quand la guerre se faisait aussi avec des chansons, il en a fait plus d’une marquée

  1. Le cardinal, déjà vieux et malade, et que ces jeunes folles fuyaient à l’égal de la petite vérole.
  2. Pour les amans passionnés ; style de l’hôtel de Rambouillet.