Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/1048

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et que la maison de Silvie
A d’aimables diversités !

Icy nous avons la musique
De luths, de violons et de voix ;
Nous goûtons les plaisirs des bois,
Et des chiens et du cor et du veneur qui pique.
Tantost à cheval nous volons,
Et brusquement nous enfilons
La bague au bout de la carrière ;
Nous combattons à la barrière ;
Nous faisons de jolis tournois, etc.

Conterai-je dans cet écrit
Les plaisirs innocents que goûte notre esprit ?
Dirai-je qu’Ablancourt, Calprenède et Corneille,
C’est-à-dire vulgairement
Les vers, l’histoire, le romant,
Nous divertissent à merveille,
Et que nos entretiens n’ont rien que de charmant ? »

Imaginez par là ce que devait être Chantilly huit ou dix ans auparavant, quand tout y était jeune, quand le grand Condé était encore le duc d’Enghien, Mme de Longueville Mlle de Bourbon, Mme de Montausier Mlle de Rambouillet, quand, au lieu de la guerre civile, une paix florissante ou de glorieuses victoires remplissaient tous les cœurs d’allégresse. Le duc d’Enghien n’y était jamais qu’entouré de jeunes gentilshommes galans et braves, qui plus tard combattirent avec lui, à Rocroy, à Fribourg, à Dunkerque, à Lens, et qui alors partageaient ses plaisirs à l’hôtel de Condé et à Chantilly, confidens dévoués de ses desseins et de ses amours. C’étaient le duc de Nemours, tué si vite, et dont le frère, héritier de son titre, de sa beauté et de sa bravoure, périt aussi dans un duel affreux au milieu de la Fronde ; Coligny, mort également à la fleur de l’âge dans un duel d’un tout autre caractère ; son frère Dandelot, depuis le duc de Châtillon, un des héros de Lens, qui promettait un grand homme de guerre et qui périt à l’attaque de Charenton dans la première Fronde ; Laval, le fils de la marquise de Sablé, beau, brave et spirituel, qui se distingua et fut tué au siège de Dunkerque ; La Moussaye, qui a écrit la meilleure relation de la bataille de Rocroy, où il se fit remarquer, mort tout jeune à Stenay en 1650 ; Chabot, qui épousa la belle et riche héritière des Rohan ; Pisani, le fils de la marquise de Rambouillet, mort aussi l’épée à la main ; le marquis de Fors du Vigean, Nangis, Tavannes, Senecay, tant d’autres parmi lesquels croissait le jeune Montmorency-Boutteville,