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matamore, était un homme d’honneur, très sûr en amitié, et qui, dans les momens les plus difficiles, devant Mazarin, dont il dépendait, garda hautement sa fidélité à Condé et à sa soeur.

J’ai dû citer ces divers personnages, parce qu’ils reparaissent dans la vie de Mme de Longueville. Dès l’hôtel de Rambouillet, ils s’attachèrent à Mme de Bourbon et commencèrent sa réputation, qui grandit rapidement d’année en année.

Mlle de Bourbon passait tous les hivers à Paris, à l’hôtel de Condé, au Louvre, au palais Cardinal, dans quelques hôtels de la Place-Royale, surtout à l’hôtel de Rambouillet, parmi les bals, les concerts, les comédies, les conversations galantes, et partout elle brillait par les graces de son esprit et de sa personne. L’été, d’autres plaisirs. Elle allait à Fontainebleau avec la cour, ou chez sa mère à Chantilly, ou à Ruel chez le cardinal de Richelieu et la duchesse d’Aiguillon, ou bien à Liancourt chez la duchesse de Liancourt, Jeanne de Schomberg, ou bien encore à Labarre, près Paris, chez la baronne du Vigean, d’une naissance moins relevée, mais d’une très grande fortune, qui avait la plus aimable famille, un fils aîné, le marquis de Fors, un des plus braves camarades du duc d’Enghien, et deux filles charmantes, recherchées par tout ce qu’il y avait de grands seigneurs jeunes et galans. Avant comme après son mariage, Mlle de Bourbon se partageait entre ces diverses résidences, qui rivalisaient entre elles de magnificence et d’agrément. Naturellement, c’était auprès de sa mère, à Chantilly, qu’elle était le plus souvent.

Il faut voir dans Du Cerceau[1] et dans Perelle[2] ce qu’était Chantilly au commencement et à la fin du XVIIe siècle. Ce vaste et beau domaine était depuis long-temps aux Montmorency, et il vint aux Condé en 1632 par Mme la Princesse, à la mort de son frère, décapité à Toulouse. Il rassemble donc les souvenirs des deux plus grandes familles militaires de l’ancienne France. Le connétable Anne et Louis de Bourbon y sont partout, et ces deux ombres couvriront et protégeront à jamais Chantilly, tant qu’il restera parmi nous quelque piété patriotique, quelque orgueil national. Les Montmorency ont transmis aux Condé le charmant château, un peu antérieur à la renaissance, que Du Cerceau a fait connaître dans tous ses détails. C’est le grand Condé, dans les quinze dernières années de sa vie, qui, trouvant alentour les plus beaux bois, une vraie forêt, avec un grand canal semblable à une rivière, des eaux abondantes et de vastes jardins, en a tiré les merveilles que le burin de Perelle nous a conservées, et que Bossuet n’a

  1. Les plus excellens Bâtiments de France, in-fol., 1607, t. II. Plusieurs planches sur le château, rien sur les jardins.
  2. Veues des plus beaux bâtiments de France, par Perelle. — Veue générale du château de Chantilly, de ses canaux, fontaines et bosquets, etc.