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d’aller plus loin sans rencontrer la loi politique actuelle à franchir. Voilà où conduisent les intrigues, les ambitions et les passions des partis ou des hommes. Le cabinet actuel suffira-t-il à cette situation ? Il est du moins aujourd’hui plus homogène. La politique n’a point changé, puisque M. d’Azeglio en reste le chef ; seulement les circonstances ne sont plus les mêmes, et il reste dans la vie politique du Piémont comme un germe secret de divisions et de complications nouvelles.

En Angleterre, la session touche à sa fin, fort heureusement pour la considération du gouvernement parlementaire, qui, aujourd’hui attaqué sur tout le continent, semble prendre à tâche, comme le faisait observer récemment l’organe le plus influent de la presse anglaise, de justifier ces attaques par son incurie. Les séances se suivent et se ressemblent ; les honorables représentans les remplissent, tant bien que mal, d’interpellations et de commérages. La question du séminaire de Maynooth vient juste à point pour exercer l’éloquence des honorables anglicans, qui trouvent là un prétexte de donner libre cours à leur intolérance. Le bill sur la Nouvelle-Zélande vient comme couvrir l’inaction du pouvoir, et le laver du reproche de ne rien faire. L’agonie du parlement anglais ne sert, en vérité, qu’à lord Palmerston : il trouve encore moyen de faire triompher son ancienne politique, ou à tout le moins de la rappeler au souvenir de ses contemporains, car à quoi peuvent servir tant d’interminables discussions sur les affaires intérieures de l’Espagne et du Piémont, sur les outrages (réparés d’ailleurs) faits par un officier autrichien à un sujet anglais, sur la détention d’un certain M. Murray à Rome, sinon à faire entendre clairement que, dans un pareil cas, lui, lord Palmerston, agirait autrement ! Il vient enfin d’achever sa grande victoire ; le bill de la milice lui a été donné, bien plus à lui qu’au ministère, avec toutes ses singularités et ses rigueurs ; la milice sera fouettée, houspillée, réprimandée, tout comme l’armée régulière les confrères de MM. Cobden, Bright et Mimer Gibson, les bourgeois et les marchands, comme dit si dédaigneusement lord Palmerston, n’ont qu’à se bien tenir. Les radicaux, qui ont intérêt à vouloir la paix du monde, ont été vaincus dans cette question par les partis, qui ont peut-être intérêt à la vouloir beaucoup moins. Ce bill a été voté, sans trop d’opposition d’ailleurs, malgré la singularité de quelques-unes de ses clauses, peut-être à cause de l’anxiété qui, depuis quelque temps, recommence à se manifester en Angleterre, et qui fait craindre pour le maintien de la paix.

La fin de cette session profite aussi aux peelites, qui reprennent l’ascendant et sont aujourd’hui le parti gouvernemental en perspective. À la chambre des lords, le comte de Derby a été forcé de répéter, à quelques variantes près, les paroles de M. Disraeli aux communes : on ne touchera pas aux dernières lois de navigation, malgré la bonne volonté que M. Herries avait manifestée pour leur destruction ; on ne remontera pas au-delà des réformes commerciales de sir Robert Peel. — Si cela est, que veut dire le cabinet de lord Derby, et quelle signification a-t-il ? S’il n’y a qu’un cabinet tory de possible, un cabinet tory non protectioniste, pourquoi le pouvoir ne passerait-il pas aux tories free traders ? Et ce qui constitue en effet la faiblesse du cabinet de lord Derby, c’est qu’il ne représente pas le parti tory, mais le parti protectioniste, c’est-à-dire une secte dissidente de l’ancien parti tory. Aussi les peelites se croient-ils déjà à la veille