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comme toute l’Italie, endormie par des chansons et se livrait à ce far niente délicieux dont on l’a bien corrigée depuis. Le roi Ferdinand IV cultivait la musique, jouait de la vielle, allait à la pêche et se plaisait à vendre à ses chers lazzaroni, dont il avait les mœurs, les produits de sa royale industrie. La reine Caroline employait ses loisirs et sa jeunesse en galanteries plus ou moins relevées ; les courtisans faisaient des sonnets, et l’Anglais Acton gouvernait le royaume, ce qui faisait dire aux plaisans :

Hic regina,
Haec rex ;
Hic, haec, hoc Acton.


Personne ne pressentait encore l’horrible tempête qui devait briser cette royauté de carnaval en dispersant une société de polichinelles et d’innamorati.

Lady Hamilton, dont nous venons de prononcer le nom, était une femme d’une beauté remarquable, dont l’esprit n’était pas moins séduisant que les beaux yeux. Elle avait une voix de soprano étendue, savait la musique et chantait avec goût de jolies mélodies écossaises qu’elle accompagnait elle-même sur le clavecin. Aprile et Millico lui avaient donné des leçons de chant ; Fenaroli la dirigeait dans l’étude de l’harmonie ; Cimarosa et Paisiello se plaisaient à lui communiquer les meilleurs morceaux de leur composition. Lorsque lady Hamilton se montrait en public, au théâtre ou bien à la promenade, on s’arrêtait pour la voir, et chacun disait : Eccola, eccola, la voici, la voici, — la bella vergine ! — Sa réputation était alors si pure, que les mères la proposaient comme modèle à leurs filles. Lady Hamilton était fort liée avec la Coltellini et ses trois sœurs ; elles faisaient souvent de la musique ensemble devant un public choisi, qui accourait à ces fêtes charmantes, auxquelles participait aussi quelquefois la Morichelli, cantatrice d’un rare mérite, que le grand succès de la Coltellini empêchait de dormir. La Morichelli est venue à Paris en 1789, et, après la révolution du 10 août, elle se rendit à Londres, où elle trouva la Banti, qui lui disputa le terrain avec un courage héroïque. C’est pour la Morichelli que Paisiello a composé l’Olimpiade, où se trouve ce duo fameux : Ne’ giorni tuoi felici, qui a fait oublier tous ceux qui avaient été composés jusque-là sur le même sujet et pour la même situation. Le plus remarquable de ces duos était celui de Sacchini.

En 1815, Ferrari, qui depuis long-temps s’était fixé en Angleterre, fit un voyage à Naples pour y voir son vieux maître. Muni d’une lettre de recommandation de la duchesse d’Orléans, depuis reine des Français, Ferrari conduisit le pauvre Paisiello chez le prince Léopold, frère