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de 1,500 millions. Il semblerait, d’après cela, que le sol français tout entier, bâtimens et cultures, est acheté et revendu dans une période de quarante-huit ans ; mais comme il est évident que les patrimoines se transmettent héréditairement dans un grand nombre de familles, et que les ventes sont infiniment plus fréquentes parmi ceux qui sont au-dessous de leurs affaires, il faut croire qu’il y a une classe de propriétaires nécessiteux entre les mains desquels les biens glissent avec une effrayante rapidité. Pour comble de malheur, chaque transmission entraîne des impôts et des dépenses qui retombent spécialement sur ceux qui auraient besoin de secours. Dans les droits d’enregistrement et de timbre, dans les frais de justice et les honoraires des gens de loi, le contingent des propriétaires à bout de ressources et qui vont succomber dépasse certainement 200 millions par an : c’est le coup de grace qui les achève.

Beaucoup de publicistes expliquent les souffrances de la propriété par le manque de crédit. Le crédit n’apporte pas avec lui le remède à tous les maux ; mais il est la condition première du progrès, l’instrument de toutes les autres améliorations. Ainsi qu’on l’a vu plus haut, ce n’est pas la faculté d’emprunter qui fait défaut aux détenteurs de maisons ou de terres, puisqu’ils sont endettés de plus de 10 milliards ; mais ces emprunts sont presque toujours contractés dans des conditions telles qu’ils préparent la ruine de ceux qui sont obligés d’y avoir recours. Le négociant et le manufacturier qui obtiennent des avances d’argent en tirent un bénéfice supérieur à l’intérêt qu’ils s’engagent à payer ; celui qui loue des maisons, comme celui qui exploite la terre, empruntent ordinairement à un taux supérieur au gain qu’ils réalisent. Loin de pouvoir se libérer avec leurs recouvremens, ils ne parviennent à acquitter la redevance annuelle qu’en écornant de plus en plus le capital. D’où vient donc que l’emprunteur dont le gage est le plus solide est précisément celui qui rencontre les conditions les plus onéreuses ?

L’analyse complète des causes qui entravent le jeu normal du crédit immobilier serait un travail de longue haleine ; nous signalerons seulement les obstacles les plus saillans.

Les emprunts hypothécaires occasionnent des frais qui s’élèvent à mesure que leur importance décroît. Un billet de commerce ne supporte que le droit de timbre à raison de 5 centimes pour 100 francs, et il n’entraîne aucune formalité dispendieuse. Les emprunts hypothécaires ont à payer pour l’enregistrement un droit de 55 centimes pour 100 francs, plus le timbre de la minute et de l’expédition, le certificat du conservateur des hypothèques constatant l’état de l’immeuble, le bordereau de l’inscription que le prêteur fait prendre, les honoraires du notaire pour la rédaction et la copie de la minute, etc. Quand vient le remboursement, commence une autre série de déboursés pour les