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constituée à Rome ? Non : elle ne l’est d’aucune manière, ni dans les lois, ni dans les mœurs. Vouloir établir un gouvernement constitutionnel dans un pareil état de choses, c’est prétendre élever un édifice avant d’en avoir jeté les fondemens.

On l’a bien vu dans la criminelle journée du 16 novembre. M. Rossi mort, qui seul par son courage, son activité et ses lumières, soutenait la liberté politique et la défendait à la fois et de la contre-révolution et de l’anarchie, tout s’écroula. Qu’aurait-il fallu pour que cette ruine fût évitée ? Que, le soir du 16 novembre, un parti modéré nombreux, énergique, façonné aux habitudes de la vie publique, soutint et continuât le gouvernement. Ce parti existait-il ? Il faut croire que non, car il ne donna pas signe de vie. Deux puissances seulement apparurent sur la scène durant cette soirée funèbre : la puissance papale outragée et déchue, et la puissance révolutionnaire triomphante et couverte de sang. M. Rossi était à lui seul tout le parti, comme il avait été tout le gouvernement constitutionnel. On ne peut en effet considérer M. Mamiani ni ses amis comme de véritables constitutionnels. Loin de moi la pensée de méconnaître la sincérité des intentions d’hommes courageux et honorables ; mais il me paraît impossible, ces intentions mises à part, de ranger les mamianistes dans la même école politique que M. Rossi. Le constitutionalisme, tel que M. Mamiani l’entendait et tel qu’il le pratiqua, n’était bon qu’à compromettre et qu’à livrer la papauté, à la différence des doctrines et de la conduite de M. Rossi, qui ne conspiraient qu’à la couvrir et à la sauver. Je justifie d’un seul mot ce jugement : M. Mamiani traitait avec les clubs, et ménageait, pour le contenir sans doute, mais enfin ménageait, le parti révolutionnaire ; M. Rossi réorganisait en toute hâte la force publique pour fermer les clubs, et écraser à la première occasion qu’il lui offrirait le parti révolutionnaire.

Prématuré, et par là voué à une mort certaine en 1848, il reste à se demander si le régime constitutionnel aujourd’hui serait à Rome plus capable de vivre. Je ne discuterai pas la question, je me bornerai à la poser. Que ceux qui seraient tentés de la résoudre dans le sens affirmatif veuillent bien se demander si les mœurs politiques des États de l’Église ont trouvé dans les événemens qui se sont succédé depuis trois ans l’occasion de se former.

Il n’y a donc, comme on peut voir, qu’une conclusion à tirer de ces événemens : c’est que le gouvernement pontifical, dans l’impossibilité éclatante où il doit se voir lui-même de restaurer purement et simplement le régime désastreux de Grégoire XVI, doit porter toute son attention et tous ses efforts vers la réorganisation de la société civile et la création d’un parti modéré dans les États de l’Église. Une seule chose reste à faire pour le moment à Rome, chose indispensable en même temps