Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est un projet qui peut avoir traversé quelques esprits violens, mais qui ne mérite l’attention ni des honnêtes gens ni des hommes sensés.

L’esprit rétrograde est comme l’esprit révolutionnaire : il peut torturer le monde, il est incapable de le gouverner. Cependant il faut gouverner ou périr. Ceci m’amène à considérer le système radical, qui se vante, et à bon droit, d’être à la fois et la conséquence forcée et l’inévitable châtiment du système absolutiste.

Les radicaux, que la seule annonce de la réforme de 1846 avait fait trembler, et qui n’ont songé à tirer parti du mouvement d’esprit suscité par cette réforme que lorsqu’ils l’ont vu glisser aux mains des ministres inhabiles qui s’en étaient chargés, les radicaux soutiennent, tout comme les absolutistes, qu’il n’y a aucune sorte de conciliation possible à Rome entre les traditions du passé et les besoins du présent, que tout système mixte est une double trahison envers les préjugés anciens et envers les idées nouvelles, qu’il faut être ou grégorien ou mazzinien, pour employer les termes dont ils se servent, et qu’il n’y a de choix à faire qu’entre le maintien absolu ou la déchéance pure et simple du pouvoir temporel des papes.

La déchéance du pouvoir temporel des papes ! Et ce sont les hommes qui se prétendent les plus ardens champions de la civilisation et les plus sincères amis de l’Italie qui ont inventé ce beau système ! Comme les absolutistes, leurs rivaux en paradoxe et en violence, ils ne trouvent rien de mieux à faire pour résoudre le problème que de supprimer l’un des deux termes qu’il s’agit de concilier ! Les absolutistes rejettent toute nouveauté ; eux, toute tradition. Admirable méthode d’améliorer les institutions consacrées par le temps que de commencer par les briser ! La déchéance des papes du gouvernement temporel des États de l’Église, à quelque point de vue qu’on l’envisage, n’apparaît que comme une des pires révolutions que l’esprit de bouleversement qui travaille ce siècle puisse rêver. L’ordre entier des rapports sur lesquels la vie commune de l’Occident repose en serait ébranlé. Du jour où le pape cesserait d’être prince, et, en tant que prince, d’administrer un certain territoire, si petit que l’on voudra, de représenter un certain gouvernement, si faible que ce puisse être, mais l’un et l’autre jouissant sous le bénéfice et sous la protection de la jalousie des puissances de son autonomie, de ce jour-là il n’y aurait plus de papauté. Le souverain pontife de fait serait supprimé, car, réduit à une autorité purement spirituelle, exilé du monde politique et privé par là de tout moyen sérieux de communiquer avec ses sujets, son pouvoir ne serait plus à l’intérieur que le jouet des factions, à l’étranger qu’un nom. Ce serait une ame sans corps, et la papauté ne tarderait pas à disparaître tout ensemble de, la scène des affaires et de celle de la vie. De là une double révolution dans la constitution ecclésiastique et dans le dogme,