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vie. Je n’ai pas dit, mais on a deviné qu’à la manière de tous les grands hommes, M. Mazzini, par une confusion sublime de sa personne et de ses desseins, en songeant à faire de Rome la capitale d’une république embrassant dans l’unité de son gouvernement la péninsule entière, n’avait, bien entendu, jamais pensé à donner d’autre chef à cette république que lui-même. Quelle occasion pour un Rienzi moderne ! Le saint père en fuite, l’anarchie au comble, une assemblée élue sous l’empire de la terreur, respirant tout l’esprit de la Jeune-Italie, parlant de convoquer une constituante italienne, proclamant la déchéance du pouvoir temporel des papes, l’avènement du règne du peuple, et le reste ; c’était le mazzinisme même intronisé sur les débris souillés et sanglans du saint-siège : il ne manquait à la funèbre fête que l’homme qui, de l’aveu de tous, en était l’ordonnateur et le héros.

Déjà les constituans romains lui avaient donné le droit de cité et un siège au parlement. Il y parut enfin pour la première fois le 6 mars, au milieu des applaudissemens de toute l’assistance. Le président, lui rendant l’honneur qu’il lui devait, le fit asseoir à ses côtés, et il prononça une courte harangue dans laquelle il répéta tout son formulaire : après la Rome des Césars la Rome des papes, après la Rome des papes la Rome du peuple, et le précis de ses déclamations habituelles. L’anarchie qui dévorait Rome était son œuvre, il était juste qu’il en fût le maître. Ce triste empire lui échut en fait le jour même de son arrivée ; à un mois de là, il l’eut tout ensemble et en fait et en droit.

La cour de Turin, malgré les sages avis que lui prodiguait la France, malgré l’insistance du parti constitutionnel à la détourner de son funeste dessein, la cour de Turin ne respirait encore une fois que la guerre. Charles-Albert, se sentant envahi au sein de ses propres états par le flux montant des passions populaires, que l’année précédente il avait lui-même excitées et armées, avait décidé de recommencer la lutte avec l’Autriche. Le poids de la vie, une rancune héroïque de la journée de Custoza, la résolution de périr d’un boulet ennemi plutôt que de s’exposer à tomber victime et victime outragée d’une émeute, tout cela poussait vers son destin l’aventureux et généreux monarque. Le 20 mars, on apprit à Rome que l’année piémontaise allait de nouveau tenter la fortune des combats. Le 22, la constituante vota une proclamation au peuple, l’appelant en masse aux armes ; mais les événemens devaient marcher avec une rapidité terrible. Une semaine à ; peine s’était écoulée, qu’on apprit le désastre de Novarre. Ce fut le signal de la dictature officielle de M. Mazzini.

La commission exécutive fut dissoute et remplacée par un triumvirat où M. Mazzini s’adjoignit pour collègues MM. Armellini et Sati. Tout aussitôt il commença son règne. Les premiers actes en furent des insultes aux vaincus de Novarre, des calomnies contre la maison royale