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loi d’exception, le vote demandé à la chambre était un vote de confiance. Il fut à peu près seul de son avis. La loi était réclamée pour mettre fin à des désordres révolutionnaires ; les conservateurs répugnaient à la repousser. Lord George Bentinck proposa ce biais : si le gouvernement pressait la discussion de la loi, s’il la faisait discuter et voter sans désemparer et lui donnait l’antériorité sur la loi des céréales, les protectionistes la voteraient ; si au contraire sir Robert Peel ajournait le vote du bill irlandais après l’expédition de ses mesures commerciales, le parti protectioniste regarderait cette conduite comme la preuve que, dans la pensée du gouvernement, la loi n’était pas urgente et par conséquent nécessaire : il voterait contre elle. De leur côté, les whigs, les radicaux, les membres de l’école de Manchester et les représentans irlandais, c’est-à-dire l’appoint le plus fort de la majorité qui soutenait la politique libre-échangiste de sir Robert Peel, étaient opposés au principe même du bill du couvre-feu. Sir Robert Peel suivit une marche qui ne satisfit ni les protectionistes, ni les libéraux. Il voulut que le bill irlandais fût lu une première fois après la seconde lecture du bill des céréales, ce qui mécontenta les libéraux, et en renvoya ensuite la seconde épreuve après le vote définitif des mesure scommerciales. Il était donc aisé de prévoir que la loi irlandaise finirait par avoir contre elle et les libéraux et les protectionistes.

L’abrogation des lois-céréales venait d’être prononcée par la chambre des lords, quand commença la seconde discussion du bill irlandais dans la chambre des communes. La situation était critique pour tous les partis, principalement pour les tories. Si la seconde lecture était votée avec leur concours, le ministère ne rencontrait plus aucun obstacle la session allait finir, et sir Robert Peel garderait le pouvoir. Que deviendrait alors le parti tory, dont la nouvelle organisation avait coûté de si rudes efforts, qui avait manifesté sa vigueur par des actes si nombreux, et dont l’existence était une garantie indispensable pour tant d’intérêts conservateurs menacés et pour l’équilibre troublé des partis ? C’était le fond des réflexions de lord George Bentinck et de ses plus ardens amis ; mais ils ne pouvaient se dissimuler que l’opposition au bill irlandais avait peu de faveur au sein du parti tory. Les dispositions étaient si douteuses, que lord George Bentinck et M. Disraeli allèrent à la chambre, le jour où devait commencer la discussion, sans avoir rien résolu.

Pour se déclarer contre le ministère ou pour garder le silence, lord George Bentinck attendait des renseignemens qui devaient lui être apportés à la séance par un de ses amis très versé dans la connaissance du personnel des tories. Le débat était déjà engagé, lord George avait été interpellé par les libéraux et provoqué presque par un ministre, lorsque l’homme aux renseignemens arriva et conseilla l’audace au