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sévèrement que nous pourrions le faire, et cela en vue même des intérêts de son pays. M. Muquardt a vu depuis vingt ans la contrefaçon à l’œuvre, et il démontre parfaitement ses torts et ses ruines en Belgique[1].

Nous voulons seulement dire un mot des supercheries nouvelles qu’inspire à cette honteuse industrie le sentiment de sa chute prochaine. Les événemens de décembre, qui la menacent particulièrement, lui fournissent pourtant jusqu’ici, le croirait-on ? le moyen d’abuser les lecteurs étrangers sur la valeur de sa marchandise. Ces honnêtes commerçans du bien d’autrui, à la tête desquels figure si plaisamment le député Cans, dont la position industrielle doit peser d’un certain poids à la dignité de la chambre des représentans, ne perdent aucune occasion de faire insérer dans les journaux des réclames qui n’ont d’autre but que de tromper le public européen. Ainsi nous avons lu dans les journaux belges et dans les journaux allemands, fourvoyés sans doute par les contrefacteurs, que la censure ne permet plus guère à Paris que des éditions mutilées, mais que la scrupuleuse contrefaçon belge va se charger du soin de restituer les parties supprimées dans des éditions authentiques et complètes dont la France seule ne jouira pas, si la contrebande des contrefacteurs ne réussit à les introduire par notre frontière du nord et de l’est. Les pays étrangers auront ainsi une édition authentique et seule complète (sic) des Mémoires de M. Alexandre Dumas, tronqués, dit-on, par la censure, lesquels volumes cependant n’ont pas été soumis à la censure ! L’autre jour aussi, on imprimait dans la Gazette de Cologne une fabuleuse anecdote sur l’Histoire de la Restauration de M. de Lamartine, mutilée aussi par la censure, qui n’a pas eu non plus à les examiner ; on annonçait en même temps que la contrefaçon allait restituer ces deux volumes dans leur intégrité. Si la contrefaçon belge veut devenir un instrument politique, cela ne nous regarde pas ; c’est le nouveau gouvernement que cela touche. Nous laisserons également aux écrivains et aux éditeurs de Paris intéressés dans la question le soin de démasquer ces fourberies ; nous nous contentons de répondre à des annonces non moins mensongères de la contrefaçon à propos de la Revue des Deux Mondes, et voici la note non confidentielle que nous adressons au journal de la librairie de Leipzig.


Paris, le 14 février 1852.

La direction de la Revue des Deux Mondes n’a eu que tardivement connaissance de l’incroyable annonce insérée dans votre journal du 30 janvier par les contrefacteurs Cans et Meline de Bruxelles.

Il faut que les contrefacteurs Cans et Meline aient une hardiesse plus qu’ordinaire pour oser dire publiquement que leur contrefaçon de la Revue, si grossièrement imprimée sur papier inférieur, est identique à l’édition originale de Paris, qu’elle en est la reproduction fidèle, et qu’elle contiendra nos cartes et nos portraits, nos portraits gravés sous la direction de M. Henriquel Dupont ! C’est avoir une singulière confiance dans la crédulité ou la complaisance des lecteurs étrangers que d’espérer qu’on leur fera admettre un seul instant des assertions aussi peu conformes aux faits, et dont il est si facile de vérifier

  1. De la Propriété littéraire internationale, de la Contrefaçon et de la Liberté de la Presse ; Bruxelles, 1852.