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comme les spectres, lorsqu’ils entendent quelque syllabe sacrée. Et c’est en effet ce qui arrive lorsque quelque sentiment vrai, quelque indiscrétion naïve, quelque abandon aimable viennent à se produire au milieu de ces acteurs : ils les jettent dans des troubles et des embarras imprévus. Il semble que la vie les mette en fuite, ou bien, quand elle les passionne, c’est pour les consumer ; l’effroi, le désespoir, la mort, deviennent pour les héros de Bulwer la conclusion inévitable de ces révélations de l’ame et du sentiment, en sorte que les affections ou les idées qui auraient pu brûler en eux comme une flamme bienfaisante et lumineuse allument un incendie qui les dévore.

Combien pourtant ce spectacle douloureux est plus douloureux encore lorsqu’il se présente, non plus au sein de quelque famille, mais au sein de la société entière ! Voici une société qui conserve toutes les apparences de la vie ; si vous la considérez extérieurement, peut-être serez-vous frappé de sa grandeur et de sa beauté. Voilà bien tous les signes de la force, de la justice, de la religion ; mais la force, la justice, la religion, existent-elles en réalité ? Tout ira bien encore tant que la curiosité ne voudra point s’assurer de leur existence ou tant que la crédulité ne se sera pas lassée ; mais si une fois la curiosité s’est éveillée ou si la crédulité se lasse, adieu institutions et société ! Si, parmi les hommes qui appartiennent à cette société, le plus grand nombre ont laissé s’éteindre en leur ame tout ce qui faisait la vie de ces institutions, ils seront mis hors de combat par des catastrophes inattendues, et alors la société tout entière tombera. Ce ne sont pourtant pas les sinistres pronostics qui manquent à de pareilles époques ; car, avant de surprendre la société tout entière, cette ruine subite des institutions a pu être observée dans plus d’un individu. — Ce jeune homme, par exemple, avait vécu, selon le monde et la coutume, comme on lui avait appris à le faire ; il avait vécu, non selon la foi de ses pères, mais selon la coutume de ses pères, et il a suffi d’un phénomène inattendu, dont la foi lui aurait appris à se défier, mais que la coutume ignorait, pour faire sortir sa vie de la pente sur laquelle elle roulait, pour l’égarer et la détruire. Ce père, qui avait laissé refroidir en lui la flamme intérieure, voit un jour avec désespoir son enfant en dehors de la voie qu’il a suivie sans moyens de l’y faire rentrer et de le sauver des périls qui l’attendent. — Cette jeune fille avait été élevée au sein d’une famille protestante, selon les dogmes et les formules de son église, mais non selon l’esprit de sa religion ; elle n’a jamais eu les consolations et les tendresses de cette croyance, elle n’a éprouvé que l’oppression des dogmes et la tyrannie des formules. Aussi, un jour, sa famille alarmée voit-elle avec stupeur cette enfant aller vers l’église romaine pour y chercher les consolations qui lui ont été refusées. — Cette société enfin avait tout oublié et ne vivait plus que sur l’habitude ;