Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/753

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE ROMAN SOCIAL


EN ANGLETERRE.




DE L’ESPRIT DES NOUVELLES GENERATIONS.


Yeast, a problem, by Charles Kingsley, rector of Eversley ; London, John Parker, 1851.




Les romans de Bulwer nous semblent pouvoir compter au nombre des livres les plus terribles, et nous n’en connaissons pas du moins qui nous aient plus péniblement ému. Une sorte d’effroi indicible nous saisit à mesure que nous traversons ces salons somptueux et solitaires d’où la vie semble s’être retirée, ces galeries où les personnages semblent immobiles comme des peintures de tapisseries féodales, à mesure que nous regardons ces lèvres que le sourire glace au lieu de les égayer, ces yeux mornes et graves, sans tristesse comme sans sympathie, d’où jamais une larme n’a dû couler. Nous lisons sans affection et sans intérêt même les aventures de ces orgueilleux dandies et de ces ladies superbes, et pourtant nous nous sentons entraînés comme malgré nous à continuer cette lecture. Le grand art de Bulwer a été de savoir exprimer mieux que personne le refroidissement des sentimens humains et la moderne sécheresse des coeurs. Il semble que ses héros sont des fantômes, et que, si on prononçait par hasard devant eux quelques-uns de ces mots de sympathie et d’humanité qui appartiennent à la langue des vivans, ils se fondraient en vapeurs et s’évanouiraient