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Nous entrons ici dans la troisième époque du pontificat de Pie IX, dans l’époque révolutionnaire. Je dirais volontiers avec Montesquieu sur le seuil de cette triste histoire : « Je n’ai pas le courage de raconter les misères qui la remplirent. » Toutes les anarchies se ressemblent ; celle-ci eut les caractères de toutes celles qui l’avaient précédée et de toutes celles qui la suivront : la violence et la folie se la partagèrent par moitié. Cette anarchie commença officiellement le 25 novembre 1848 au soir, jour de la fuite du souverain pontife, pour capituler le matin de l’assaut dont la menaçaient les troupes françaises, le 3 juillet 1849.

Le saint père avait adressé, avant de partir, au marquis Sacchetti, son majordome, un billet par lequel il le chargeait de prévenir le ministre de la police, M. Galletti, et de mettre sous sa protection toutes les personnes de la maison pontificale. Ce fut par ce billet que le ministère apprit la fuite du souverain pontife ; le 26 au matin, une affiche la porta officiellement à la connaissance de la population. Cette affiche représentait Pie IX comme entraîné par de funestes conseils. M. Galletti entendait désigner par là l’appui que le saint père avait trouvé pour exécuter son dessein dans la prudence et la fermeté des ambassadeurs de France, d’Espagne et de Bavière. Rome fut fort triste à l’annonce de cette grave nouvelle : les clubs eux-mêmes parurent étonnés et inquiets de leur victoire. Les émeutiers du 24 avaient imposé au saint père un cabinet où brillaient au premier rang deux des vainqueurs de la journée, MM. Sterbini et Galletti. M. Mamiani, près duquel de vives instances avaient été faites ce jour-là même de la part des membres du centre gauche de l’assemblée pour prendre les affaires, avait résisté ; mais, après la fuite du pape, le péril était si pressant, qu’on lui représenta qu’il n’y avait plus guère que lui qui pût sinon empêcher, du moins retarder un peu les violences extrêmes que chacun redoutait, et il céda. Se couvrant du billet de Pie IX au marquis Sacchetti, dans lequel le saint père avait recommandé aux ministres encore existant à son départ le maintien de l’ordre public, il se crut ou feignit de se croire autorisé à prendre le pouvoir, et assez fort pour le diriger. Ses illusions, s’il en eut à cet égard, ne tardèrent pas à se dissiper.

Le parlement s’étant réuni, une voix, celle du prince de Canino, demanda déjà la convocation immédiate de la très sainte (sacro-sancta) constituante italienne. Le même jour (27 novembre), le saint père lançait de Gaëte, où il avait trouvé un premier asile, un bref dans lequel il déclarait que, s’il avait dû céder aux violences des révolutionnaires de Rome, et s’il acceptait l’amertume de ces violences comme une épreuve de la Divinité, il ne renonçait pour cela à aucun de ses droits ni de ses devoirs de souverain, et qu’il nommait pour administrer ses états en son absence une commission exécutive composée du cardinal