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d’envoyé du roi de Piémont, chargé de négocier avec le saint-siège les conditions d’une ligne italienne, un des ecclésiastiques les plus justement célèbres de l’Italie et de ce siècle, l’abbé Rosmini. Pie IX, qui l’aimait chèrement pour son savoir et sa piété, l’avait nommé membre de la congrégation de l’index, puis bientôt après cardinal. M. Rossi pensa à en faire son collègue et à lui donner le ministère de l’instruction publique. Ce projet se fût réalisé sans doute sans l’assassin du 15 novembre. Un ministère qui aurait réuni à Rome M. Rossi à l’intérieur et aux finances, le cardinal Rosmini à l’instruction publique et le général Zucchi à la guerre, eût été le plus fort et partant bientôt le plus influent de toute l’Italie.

Le tableau de cette administration si courte et cependant si pleine ne serait pas complet, si je ne disais un mot du projet de ligue qu’avait conçu M. Rossi entre tous les états indépendans de la péninsule. C’était son idée favorite. Il voyait dans la conclusion de cette ligue tout un avenir pour la régénération nationale de l’Italie. Les retards qu’apportait dans les simples préliminaires de négociation la politique alors fort troublée du gouvernement de Turin lui causaient une impatience qu’il exprimait en termes vifs et même acerbes. Le 4 novembre, onze jours avant sa fin, cette impatience alla jusqu’à se trahir avec une sorte de publicité officielle dans un long article où tout le monde reconnut sa main, que publia la gazette du gouvernement, et où, après une discussion aussi mordante que hautaine des objections sans valeur du cabinet sarde, il disait :

« Le gouvernement piémontais enverra, assure-t-il, des plénipotentiaires aussitôt qu’il sera possible. Nous confessons humblement notre pauvreté d’esprit ; il ne nous est pas donné de comprendre cet aussitôt qu’il sera possible. Mais qui donc enfin peut empêcher six, huit, dix personnes, que chaque état en désigne autant qu’il voudra et celles qu’il voudra, de s’embarquer à Gênes et de débarquer à Civita-Vecchia ? Qui peut empêcher ces personnes de se rendre à Rome et là de délibérer sur les intérêts de l’Italie ? Rome, Dieu merci est en état de garantir la vie et d’assurer l’entretien et la liberté de ses hôtes. Cet aussitôt qu’il sera possible est pour nous une énigme dont nous ne voulons pas chercher le mot. Pour nous, la réunion d’un congrès italien à Rome est, nous ne disons pas une chose possible, mais facile et urgente et nécessaire. Le projet pontifical est de la plus parfaite simplicité. Le voici en deux mots : Il y a ligue politique entre les monarchies constitutionnelles et indépendantes de l’Italie qui adhéreront au traité ; les plénipotentiaires de chaque état indépendant se réuniront sur-le-champ à Rome en congrès préliminaire pour délibérer sur les intérêts communs et arrêter les conventions organiques de la ligue. Ce qui est fait est fait. Par cette route directe et tout unie, on peut arriver au but. Par toute autre, on ne peut que s’en éloigner. L’Italie, déjà victime de tant de fautes, n’aurait alors qu’à pleurer sur une de plus… »

Cette précision rapide, cette vive et impatiente netteté de résolutions, de vues