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le hun et le goth), et il alla trouver Scotta, qui se fit fort de leur procurer une audience d’Attila moyennant quelques présens, car toutes ces tergiversations n’avaient pas d’autre but. Une heure à peine s’écoula, et Scotta, fier de prouver son crédit, revenait, de toute la vitesse de son cheval, annoncer à Priscus sa réussite ; les Romains partirent avec lui. Les abords de la tente royale, lorsqu’ils s’y présentèrent, étaient obstrués par une multitude de gardes qui formaient alentour une haie circulaire ; les ambassadeurs parvinrent à la percer, grace à la présence de Scotta, et trouvèrent, au milieu de la tente, Attila qui les attendait, assis sur un siège de bois.

Priscus, Vigilas et les esclaves porteurs de présens s’étant arrêtés par respect près du seuil de la porte, Maximin s’avança, salua le roi, et, lui remettant dans les mains la lettre de Théodose, il lui dit « L’empereur souhaite à Attila et aux siens santé et longue vie. — Qu’il arrive aux Romains tout ce qu’ils me souhaitent ! » répondit celui-ci brièvement, et, se tournant vers Vigilas avec les signes d’une colère concentrée : « Bête immonde ! lui dit-il, qui t’a porté à venir vers moi, toi qui as connu mes conventions avec Anatolius au sujet de la paix ? Tu savais bien que les Romains ne devaient point m’envoyer d’ambassadeur tant qu’il resterait chez eux un seul transfuge de ma nation. » Vigilas ayant répliqué que cette condition était fidèlement remplie, puisqu’on lui ramenait dix-sept déserteurs, les seuls qu’on eût pu trouver dans tout l’empire d’Orient, ce ton d’assurance parut mettre Attila hors de lui. « Ah ! lui cria-t-il d’une voix emportée, je te ferais mettre en croix à l’instant même, et te donnerais en pâture aux vautours pour prix de tes paroles impudentes, si je ne respectais le droit des ambassadeurs ; » puis, sur un signe qu’il fit, un secrétaire déploya une longue pancarte, qu’il se mit en devoir de lire. C’était la liste nominative des transfuges qui étaient censés résider encore sur le territoire romain. La lecture terminée, Attila déclara qu’il voulait que Vigilas partit sur-le-champ avec Esla, un de ses officiers, pour signifier de sa part à Théodose d’avoir à lui restituer sans exception tous les Huns, de quelque qualité et en quelque nombre qu’ils fussent, qui avaient passé chez les Romains depuis l’époque où Carpilion, fils d’Aëtius, avait été son otage. « Je ne souffrirai point, disait-il avec hauteur, que mes esclaves portent les armes contre moi, quoiqu’ils ne puissent rien, je le sais bien, pour le salut de ceux qui les emploient. Quelle est la ville, quel est le château qu’ils parviendraient à sauver de mes mains, si j’ai résolu de le prendre et de le détruire ? Qu’on aille donc faire connaître là-bas ce que j’ai décidé, et qu’on revienne tout aussitôt me faire connaître à moi si les Romains veulent me rendre mes transfuges, ou s’ils préfèrent la guerre. » L’ordre de départ ne regardait que Vigilas ; Attila pria l’ambassadeur de rester près de lui pour recevoir la